Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog de Maya.P
  • : des romans, des contes, des histoires pour les petits, tout un espace dédié à la jeunesse mais pas seulement...
  • Contact

Recherche

Pages

10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 17:35


 

Monsieur Poulain devait conduire Maya à l’Hôpital voir son amie Emma, après le repas. Mais il pensa qu’après l’épisode éprouvant qu’elle venait de vivre dans le restaurant, il était plus sage qu’elle rentre se reposer à la maison. C’est pourquoi il emprunta le chemin du retour sans l’ombre d’une hésitation, persuadé, qu’il était, de son bon choix. Cependant Maya, l’entendait autrement. Elle n’avait pas vu Emma depuis des jours et ce n’était pas ce petit malaise qui allait l’arrêter.  Son opiniâtreté n’était plus à démontrer et elle savait parfaitement comment s’y prendre avec son père pour le convaincre. Il lui suffisait de faire son regard de chien battu pour qu’il craque, il craquait toujours…

- Écoute papa, si tu veux je ne resterai pas longtemps, mais laisse-moi aller la voir.

S’il te plait !

- Bon, d’accord… Je reviens dans une heure, dans le hall.

La petite voiture bleu clair entama un demi-tour. Au bout d’un court moment, elle stoppa devant l’établissement hospitalier. Une portière claqua, un instant après, la petite voiture bleu clair se fondit dans le serpent rampant de la circulation.

Combien de temps déjà qu’elle n’avait pas vu son amie. Maya pensait à cela lorsqu’elle traversa le couloir de l’entrée. Il n’y avait pas la grosse-grosse dame derrière le comptoir à l’accueil, mais un jeune homme à l’air peu aimable.

Maya ne s’attarda pas, elle s’engagea directement dans l’escalier qui la mènerait auprès d’Emma. Une fois dans le service concerné, elle remplit le protocole pour la visite, à savoir, se revêtir de la tunique, charlotte et chaussons de protection.

Emma n’avait pratiquement pas changé depuis la dernière fois. Peut-être avait-elle perdu un peu de poids. Son visage était toujours aussi beau et serein. Maya posa son regard sur la malade avec une intensité nouvelle, comme si elle souhaitait percer un quelconque mystère.

Elle choisit d’éviter tout contact, cette fois, car elle craignait d’avoir à nouveau des visions difficiles à supporter. Maya avait l’impression d’être devenue une éponge à souvenirs, une éponge à émotions. Il lui suffisait de se poser sur une personne pour en absorber la substance intime.

Elle préféra rester tout près de son amie et lui parler. Elle lui raconta les mésaventures de son frère Robin dans les catacombes, comment Karim l’avait aidée pour la traduction des poèmes contenus dans les lettres. Elle lui révéla la véritable identité de Rose et son inquiétude à son égard. Mais elle omit de lui parler d’Agathe, elle préférait attendre un peu. Le temps s’écoula, l’heure passée, elle prit congé.

Elle sortit des toilettes où elle s’était débarrassée de ses vêtements de papier, s’arrêta devant la vitre pour faire un dernier coucou à Emma et constata que son amie n’était plus seule. Un homme de taille moyenne portant une casquette était assis sur le lit. Il était penché sur l’enfant et de temps à autre, son corps s’animait de soubresauts. La silhouette de cet homme n’était pas sans lui rappeler celle de l’un des assassins de Rénald.

Glacée, Maya se raidit et lâcha son sac sur le carrelage. Alerté par le bruit, l’homme se retourna. Pendant un instant Maya fut pétrifiée.

-       Monsieur Rénald ! s’écria Maya stupéfaite. Elle hésita entre sauter de joie ou se méfier.

L’homme avait le visage ravagé par le chagrin. Il se leva sans un mot, attrapa la fillette par le bras et l’emmena dans le couloir où il chercha un dégagement pour y être tranquille. Maya tacha de se dégager à plusieurs reprises, mais la poigne de l’homme s’était refermée comme des menottes sur son poignet.

C’était un homme aux abois, très nerveux et Maya commençait à paniquer lorsque deux infirmiers apparurent au fond du couloir. Ils ne pouvaient faire autrement que les croiser. Rénald, la tête basse, rasa le mur et d’une main ferme s’appuya sur l’épaule frêle de Maya. Elle qui pensait profiter de cette rencontre pour se dégager et donner l’alerte, se retrouva verrouillée comme  la serrure d’un coffre fort. Les deux infirmiers passèrent sans prêter attention à eux. Maya ouvrit largement la bouche, la voix qui lui avait fait défaut l’instant d’avant, revint en force mais brièvement. Une large main gantée pressa ses lèvres desséchées  par la peur.

- Il faut pas que tu aies peur. Chut ! C’est pas le moment de se faire repérer.

Ses yeux voyageaient de droite à gauche de leurs orbites, l’homme était aux aguets. Il se méfiait de toute présence étrangère. Un intrus l’obligea à lâcher Maya.

La fillette ne posa aucun problème, de toute façon les mots restaient coincés dans sa gorge où l’air pouvait à peine s’infiltrer, tellement elle était serrée.

L’infirmière disparue, Il la saisit à nouveau, cette fois sous le bras, l’obligeant à marcher sur la pointe des pieds à son allure, bien trop rapide pour Maya. Elle avait mal, elle voulait se défaire de l’emprise de l’homme, mais c’était trop dur.

Ils s’engagèrent sur la passerelle qui conduisait à l’autre bâtiment. Maya, effarée, se demanda où il pouvait bien l’entraîner et surtout ce qu’il pouvait bien lui vouloir. Ils prirent l’ascenseur. Dans ce lieu clos, Rénald se décontracta et relâcha sa prise. Il n’avait toujours pas prononcé un seul mot d’explication. Chaque fois qu’elle levait vers lui son visage, il la dévisageait de ses gros yeux écarquillés.

Puis l’ascenseur s’ouvrit sur la cafétéria de l’hôpital, Maya soupira de soulagement. Il y avait du monde, si jamais ça se passait mal, s’il la menaçait, elle crierait. Il attrapa au passage deux sodas vendus en libre-service et installa Maya face à lui à une table bien l’écart.

- Ecoute-moi bien Maya, tu ne dois dire à personne que je suis en vie. Car si tu le fais, je ne donne pas cher de ma peau. Quelqu’un veut ma mort… je suis en train d’enquêter et je vais le trouver, jusque-là il faut que tu me jures que tu ne diras rien à personne, même pas à ton père. Tu le jures ?

- Mais pourquoi ?

- Parce qu’il vaut mieux qu’on me croît mort pour l’instant, sinon j’aurais à répondre du cadavre qu’on a trouvé chez moi et je serai sans doute accusé du meurtre, tu comprends ? ces gens-là sont prêts à tout pour me détruire, j’ai une piste, il faut que j’aille jusqu’au bout.

Maya se reprit. Rénald ne pouvait pas lui faire de mal. Du moins pour le moment.

- Dites-moi ce qui s’est passé chez vous ?

- Ces deux pingouins se sont tirés dessus, j’avais réussi à me cacher grâce à un bruit dans la maison qui avait fait diversion…

-  Je sais, c’est moi qui l’ai fait ce bruit.

- C’est toi ? Maya, tu sais que tu m’as sauvé la vie. Misère, si tu n’étais pas venue ce jour-là… Toujours est-il qu’il se sont disputés, un coup de feu est parti et me voilà avec un cadavre sur les bras. J’ai pas vraiment réfléchi, le mort avait le même gabarit que moi j’ai échangé nos habits. Je sais pas pourquoi j’ai fait ça, la peur sans doute… Il ingurgita une grosse gorgée de soda et réprima un rot intempestif. Depuis je me traîne avec ses nippes qui commencent à puer sévèrement.

- Mais la ressemblance ? sa figure c’était pas la même que la vôtre !

- Il s’est pris le coup de feu en pleine face. Complètement défiguré le bonhomme. Je t’avoue que ça m’a bien arrangé qu’il se fasse ravaler le portrait.

Maya observait l’homme clairement à bout. Ses expressions, son vocabulaire ordinaire, tranchaient avec l’idée qu’elle s’était faite de lui.  Des cernes noires accentuaient l’effet exorbité de ses yeux. Il avait rasé sa barbe épaisse, Maya découvrait ainsi ses traits creusés et tirés. On aurait dit un petit animal traqué par les chasseurs. Malgré le discours de Rénald, Maya n’arrivait pas à se détendre et à lui faire entièrement confiance.

- Maya ? tu m’écoutes ?

- Hum, oui bien sûr. Vous étiez en train de me dire que ça vous arrangeait bien que le malfaiteur soit défiguré.

- Cette médaille, celle qu’ils cherchaient. Ils étaient venus pour ça. Eh bien, j’ai retrouvé la bijouterie qui la fabrique.

Cela rappela à Maya qu’elle aussi avait fait la même démarche mais qu’elle n’avait toujours pas obtenu de réponse.

- Elle est gravée derrière et j’ai l’adresse du graveur. C’est un vieux monsieur à la retraite qui conservait tous les noms de ses clients et la date des commandes dans un registre. C’est le bijoutier qui me l’a appris. J’ai appelé le graveur, tout à l’heure, il accepte de me voir. Lorsque j’aurai le nom de celui qui a commandé la gravure je le tiendrai cet enfant de sa…     

Il se coupa net dans sa phrase, se souvenant soudainement qu’il était en présence d’une jeune fille.

- En tous cas, une chose est sûre c’est que ce Personnage bénéficie de complicité dans la police. Il a fait du chantage sur les deux malfrats chargé de voler la médaille, Reprit-il.

-  Comment vous pouvez le savoir ?

- Parce que le second, celui qui a tué accidentellement le premier, a pris peur et m’a raconté comme on l’avait sommé de commettre ce délit sous peine de retourner en prison avec une accusation de trafic de drogue sur le dos. Tu sais, c’est très facile lorsqu’on est un flic pourri, de trafiquer des preuves. Il a même reçu le double de son dossier judiciaire chez lui pour le convaincre… On l’a intimidé. Mais le pire c’est qu’il a tellement commis de délits, il s’est si souvent fait arrêter qu’il ne sait pas qui se cache derrière tout ça.

- où est-il maintenant ?

- En sécurité. Je pense que le commanditaire doit savoir que je suis en vie et que j’ai le médaillon.

- Et il vient d’où ce médaillon ?

- Maya, c’est compliqué…

- Oui mais j’ai le droit de savoir, j’y suis mêlée, ma famille y est mêlée car c’est bien le portefeuille de mon père que les malfrats avaient laissé comme pièce à conviction chez vous. Ce qui veut dire que celui qui commande tout voulait faire accuser mon père. Alors, depuis je cherche ce qui nous lie…Et… Je crois avoir trouvé… Alors, s’il vous plait racontez-moi.

Rénald se relâcha, son corps raide précédemment épousa le siège et son visage s’éclaircit. Les marques d’anxiété et de fureur s’estompèrent insensiblement.

- Eh bien voilà, il y a environ dix ans la maman d’Emma a disparu brutalement. Mais avant de disparaître, elle avait pris soin de me renvoyer Emma par avion, elle prenait toujours l’enfant avec elle pour que je prépare mes examens plus tranquillement. À l’époque, absorbé par mes études, je ne m’étais pas inquiété au départ, je pensais qu’elle avait des choses à régler après le décès de sa sœur. Et puis, un peu plus tard, j’ai trouvé une lettre dans laquelle elle me disait qu’elle avait démasqué le responsable de la mort de sa sœur et qu’elle comptait le confondre. Cette lettre, je l’ai trouvée dans le sac d’Emma, son petit sac à dos en peluche qui ne la quittait jamais. Mais il y avait une chose que je n’ai découverte que l’an dernier en débarrassant les vieux cartons pour notre déménagement. Ce petit sac, je l’avais conservé pour Emma, c’était comme un doudou pour elle. Lorsque je l’ai ressorti d’un tas de vieillerie, Emma l’a récupéré et c’est elle qui a trouvé le médaillon. J’étais certain que ce médaillon était une relique familiale, c’est pour ça que…Tiens le voici.

Maya s’empara de l’objet et vérifia la gravure. Il était inscrit en lettres Capitales : Paul-Antoine.

Elle sortit le pendentif offert par mamie de son pull. Au verso figurait une gravure de même nature, son prénom et seulement son prénom.

- Où tu l’as eu ? sursauta Rénald.

- Je vous répondrai, mais d’abord, expliquez-moi comment les malfaiteurs ont su pour le médaillon ? Comment pouvaient-ils se douter ?

-  Tout ça c’est ma faute ! De rage Rénald balaya les canettes posées sur la table. Ses yeux reprirent une expression effroyable.

Maya n’en menait pas large, pourtant, elle ne profita pas du remue-ménage provoqué par cet éclat pour s’échapper. Elle jugea qu’il fallait attendre pour obtenir l’explication qui l’amènerait sûrement à la solution. Et puis que pouvait-il lui faire devant tous ces gens.

Rénald se ressaisit, il ramassa les canettes et épongea la table avec sa manche et ses gants dont il se débarrassa négligemment, tout en assurant aux gens qui le dévisageaient, qu’il n’y avait aucun problème.

- Pourquoi ? Réitéra Maya. Pourquoi sont-ils venu chercher ce médaillon chez vous, justement ? Pourquoi ?

Après un moment d’hésitation, il saisit les bras frêles de Maya et les serra avec poigne au risque de les briser.

- Le plus simplement du monde. C’est moi qui les y ai invités…il faut que j’y aille, fini-t-il par lâcher. Malgré sa stature imposante il s’évapora presque instantanément.

Maya se figea. Sa mâchoire refusa obstinément de se rouvrir… pourtant elle aurait voulu l’appeler, lui dire qu’elle avait retrouvé sa femme et qu’elle aussi faisait partie de sa famille. Mais elle était une fois de plus paralysée.

Une série d’images vinrent se fixer dans son cerveau. La réponse à sa question se déroulait comme un vieux film sous ses yeux. Rénald avait fait paraître dans le journal une petite annonce.

« Cherche propriétaire d’un médaillon bleu avec une étoile au centre, en vue de reconstituer une famille… »

Ce dont ne se doutait pas Rénald, c’était qu’il détenait une précieuse preuve contre le MONSTRE. Il avait voulu retrouver une famille perdue, il avait malheureusement mis en danger la seule qui lui restait. Sa propre fille en avait fait les frais.

 

« Maintenant je sais qui tu es MONSTRE. »

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 17:33

Le lendemain Maya et son père se préparèrent pour le rendez-vous. La fillette choisit les affaires les plus élégantes à ses yeux. Elle voulait faire bonne impression si ses espérances se révélaient vraies. Elle avait sorti de sa garde-robe un joli pantalon en velours brun foncé, orné de broderies sur le bas, et un chemisier à fleurs roses ainsi qu’un pull violine tricoté par Mamie. Elle vérifia que son collier de coquillage était en place autour de son cou et y rajouta la chaîne et le médaillon que Mamie lui avait offert.

Elle coiffa méticuleusement ses cheveux et les agença de sorte qu’ils eurent un peu plus de volume. Elle contrôla le contenu de son sac à dos. La stalactite de Robin rejoignit le journal d’Agathe et la lampe de Joachim dans la poche frontale. Elle passa son joli manteau en laine rouge et ses bottines fourrées, elle était fin prête.

Quant à Monsieur Poulain, il revêtit un vieux costume démodé qui avait peu servi. Il noua sa cravate assez maladroitement, récupéra un petit mouchoir en dentelle en guise de pochette et pesta contre lui lorsqu’il découvrit qu’il avait égaré un bouton de manchette. Ah ! Il avait fière allure dans son veston noir à lignes grises et ses mocassins de cuir ombré.

Il endossa le duffle-coat que Robin voulu bien lui prêter. Lui aussi était fin prêt.

Leurs tenues respectives furent  saluées par l’exclamation admirative de Robin qui les embrassa chaleureusement et les mit pratiquement à la porte. Puis, le père et la fille prirent place dans la voiture et ils démarrèrent. Ils ne desserrèrent pas les dents pendant la route. Monsieur Poulain était concentré sur sa conduite un peu plus dangereuse en ces temps de neige et de verglas. Maya, elle, laissait vagabonder son imagination au gré des paysages qu’elle s’amusait à apparenter à des animaux ou des humains. Elle avait développé ce sens du fabuleux dès l’enfance pour dédramatiser ses inquiétudes ou ses peurs.

 

Ils arrivèrent les premiers dans le restaurant. La salle était vaste et claire, on avait disposé des plantes vertes tout autour de la baie vitrée qui donnait sur la rue. Cette décoration conférait au lieu des allures de jardin, de fraîcheur estivales. On avait aussi mis l’accent sur un mobilier, dépareillé avec goût, qui offrait un joli cachet à l’ensemble de la salle. Sur chacune des  tables, était dressée de la vaisselle  aux formes peu ordinaires car sans doute dessinée par un artiste.

On les accueillit avec courtoisie, on les débarrassa de leurs manteaux et on les conduisit à la table réservée par Laura Simon.

Le père et la fille intimidés par la beauté de l’endroit prirent une pose peu naturelle. Ils se sentaient mal à l’aise et pas à leur place. Les seuls restaurants qu’ils avaient coutume de fréquenter étaient des établissements familiaux où l’on cuisinait des plats courants mais goûteux ou bien à la Pizzeria « chez Mama » car ils étaient friands de cuisine italienne.

Les minutes passaient avec la lenteur du parcours d’un escargot sur une feuille de vigne. Ici, ils osaient à peine respirer, « chez Mama » il y avait toujours du bruit, les gens parlaient fort et riaient aux éclats quelques fois. Cela devenait de plus en plus stressant, quand deux élégantes femmes entrèrent dans le restaurant.

« Etaient-ce elles ? n’étaient-ce pas elles ? » Maya les scruta de son regard clair et franc.

- Papa ! Ce sont elles, chuchota-t-elle.

En effet, elles se dirigèrent droit sur eux et leur tendirent la main pour les saluer.

- Bonjour Monsieur Poulain, bonjour Maya. Je suis Laura Simon et voici Marie mon amie.

Laura Simon était une grande fille rousse. Elle portait ses cheveux très courts, à la garçon, d’ailleurs elle en avait l’allure avec ses vêtements qui flottaient sur son corps longiligne. Elle portait un jean ample et un chemisier blanc qui retombait par dessus. Son maquillage était discret, seulement un peu d’ombre à paupière et du Rose sur les lèvres. Elle était charmante. Sa compagne, Marie, était brune  et ses cheveux épais retombaient en cascade sur ses frêles épaules. Sa tenue était plus féminine, même si en ces temps de rudesse hivernale on préférait le pantalon aux robes. Le sien était en toile noire, sur le haut du corps, elle portait un bustier de coton écru dont les manches étaient froncées sur le bas. Elle avait orné son décolleté  d’un pendentif en verre de Murano. Son visage était mis en valeur par un maquillage léger. Son regard de braise hypnotisa Maya et son père.

- Vous avez regardé la carte en nous attendant ? demanda Laura, pour briser le charme.

Le père et la fille firent non de la tête. Ils ne lâchaient pas des yeux Marie.

Marie, elle, semblait s’efforcer à retrouver des bribes de mémoire. On la sentait mal à l’aise, hésitante.

- Merci Maya d’avoir accepté de venir, finit-elle par dire… Tout en parlant elle tournait, entre ses doigts délicats, la serviette de table bleu pâle pour se donner une contenance. Ses yeux cherchaient, désespérément, au loin une accroche providentielle. J’ai… Continua-t-elle, hésitante. Je… Je crois au plus profond de moi que je te connais… J’ai eu, je crois, une sœur qui te ressemble si fortement...

Maya avait concentré toute son attention sur Marie. Si elle avait regardé son père elle aurait pu voir son visage s’allonger. Elle aurait pu voir ses yeux se brouiller de larmes retenues. Elle aurait pu remarquer sa poitrine qui se soulevait à intervalles rapides.

Il se leva, soudain, et se jeta dans les bras de Marie.

- Agathe ! Bon dieu ! Je te croyais morte ! et il éclata en sanglot.

Ils restèrent là, un moment, enlacés. Lui tremblant d’émotion, elle le caressant affectueusement.

On lui apporta de l’eau et Maya l’aida à s’asseoir.

- Agathe, tu es la sœur jumelle de Jade la mère de Maya…

- Vous en êtes certain Monsieur Poulain ? demanda Laura.

-  Oh que oui, j’en suis certain ! Je vous le jure sur la tête de ma petite Maya la prunelle de mes yeux. 

- Pourquoi ma sœur n’est-elle pas avec vous ?

- Pour une simple et bonne raison, Jade est morte il y a dix ans.

Monsieur Poulain raconta la maladie de Jade quelques mois après la naissance de Maya. Il lui expliqua combien elle avait été d’un secours inestimable en s’occupant de Jade pendant des mois. Il répéta les mots qu’elle avait prononcé après la mort de sa sœur, « Guy je te jure je trouverai le coupable. ».  Il lui signifia qu’elle était la seule à penser qu’il s’agissait d’une agression et pas d’un accident et que c’est peu après lui avoir parlé qu’elle avait disparu. Il lui apprit qu’elle avait une enfant et un petit ami qui à l’époque faisait des études. Mais, il pleura abondamment en lui avouant qu’il ne savait pas où ils étaient et ce qu’ils étaient devenus car après la mort de Jade plus rien n’avait compté à ses yeux, seulement de survivre pour Maya. Il ne se souvenait même plus du prénom de la fillette ni du nom de son père, ce garçon qu’il n’avait rencontré que deux ou trois fois.

- J’ai tout oublié Agathe, et puis nous nous connaissions si peu. Tout ce que je peux te dire c’est qu’à l’époque tu vivais à plusieurs centaines de kilomètres d’ici dans la petite ville de Maguelone et que ta fille doit avoir à peu près l’âge de Maya.

- Alors j’ai une enfant, fit Agathe pensive. Je m’en doutais… Peut-être me reste-t-il encore un peu de famille ici ?

- Malheureusement, non. Ton père est mort de chagrin après ta disparition. Non… Il ne te reste que nous ici. 

-  Avec ces informations tu vas pouvoir faire des recherches sur ta fille, intervint Laura. On fera paraître des annonces dans la presse, on va monopoliser toutes nos connaissances et tu verras on retrouvera ta fille. Vous avez peut-être conservé des documents, des photos ? demanda-t-elle à Monsieur Poulain.

Mais avant que son père ne réponde, Maya prit la parole.

- Oui, on a un grand coffre à la maison avec des photos et du courrier, et il y a même des jouets et des petits vêtements de bébé… Et j’ai trouvé ce journal qui vous appartient, ajout-t-elle en tendant l’objet à Agathe.

Agathe saisit le cahier avec émotion, sa gorge se noua lorsqu’elle l’ouvrit et reconnut son écriture maladroite et illisible. Elle seule pouvait la déchiffrer sans effort.

Pour rompre ce silence lourd de souvenirs, lourd de souffrances, Laura prit à nouveau la parole.

- C’est fabuleux ! vous rendez-vous compte ? Je suis tellement heureuse pour toi Marie ! Maintenant c’est peut-être à moi de vous expliquer ce qui s’est passé pendant tout ce temps. J’ai rencontré Marie, excusez-moi Agathe, il y a environ six ans. Je suis médecin dans un hôpital et ce jour là j’allais finir ma garde lorsqu’on m’a emmené une jeune femme famélique et malade, très malade. Mon collègue était en retard et j’ai décidé de prendre cette patiente qui si on ne s’occupait pas d’elle en urgence risquait de perdre la vie. Elle souffrait de divers symptômes, la malnutrition était le plus évident. On l’a mise sous perfusion immédiatement, puis on s’est attaqué au reste. Il lui a fallu plusieurs mois pour se remettre sur pied. Je pense qu’elle a subi un choc psychologique important après que vous l’ayez vue pour la dernière fois. Elle a sans doute erré pendant un temps, puis elle a été accueillie par une communauté au sein de laquelle elle a dû travailler dur  et subir des pressions importantes. Ils ont fini par l’abandonner, c’est comme ça qu’elle est arrivée dans mon service. Bien entendu, elle n’avait plus de papiers d’identité depuis des années peut-être même depuis sa disparition. On s’est employé a lui en donner une nouvelle. Peu à peu, nous sommes devenues des amies. Elle s’est formée et est devenue mon assistante. Voilà, elle n’a jamais refait sa vie… Depuis des années nous multiplions les recherches mais en vain. Il a fallu cette photo dans ce journal local, qui en plus n’est pas diffusé dans notre région car nous vivons à cent kilomètre d’ici.  Quelqu’un l’a oublié et c’est le hasard qui a fait que Marie soit tombée dessus. Cette histoire est sans doute complètement dingue, mais quel bonheur, n’est-ce pas ?

Le serveur arriva juste à ce moment pour prendre la commande et attendit patiemment que chacun eut choisi. Le repas se déroula agréablement, Monsieur Poulain et Maya promirent d’Aider Agathe dans ses recherches. Maya les convia à sa fête d’anniversaire le dimanche suivant. Elles acceptèrent avec joie. Ils apprécièrent le repas et découvrirent des goûts nouveaux, très différents de leur alimentation habituelle.

Lorsqu’ils se quittèrent sur le pas de porte du restaurant, Agathe serra Maya dans ses bras si fort que la fillette en perdit presque la respiration. Ce contact direct déclencha en elle des flashes troublants. Cela faisait quelque temps qu’elle n’avait pas été en proie à ces désagréments étonnants, et cette fois-ci les symptômes furent décuplés. Sa tête se fit lourde et douloureuse, sa température monta brusquement et Maya perdit connaissance.

Les images étaient brouillées et sans dessus dessous, il y avait des fillettes l’une brune et l’autre blonde, et puis des visages inconnus tournoyant au dessus d’elle. Et tout d’un coup, l’agression… Mon dieu ! c’était lui, c’était le MONSTRE, elle le voyait à travers les yeux d’Agathe. Quel être effroyable ! quelle immonde bête ! Maya ressentait les sensations d’Agathe, la terreur se mit à l’envahir. Mais elle désirait le voir, regarder son visage en face pour l’identifier. Il avançait droit sur elle menaçant, « montre toi, allez montre ton vrai visage, vas-y !» pensa Maya. La figure du Monstre se brouilla et un autre visage apparut, celui d’une enfant brune comme Agathe. « Je connais cet enfant pensa Maya, je connais ses traits… »

Maya reprit connaissance, allongée dans le canapé du restaurant. Les visages de son père, d’Agathe et Laura étaient penchés sur elle et on pouvait y lire l’inquiétude et la compassion. Monsieur Poulain L’aida à se redresser et comme elle se plaignit de la tête, il lui fit prendre son comprimé accompagné d’un verre d’eau.

Maya reprit des couleurs et grâce au morceau de sucre qu’un serveur lui apporta sur une minuscule assiette aux bords taillé en dentelle, elle retrouva un peu d’énergie.

Maya étant remise de son petit malaise, tout le monde quitta  le restaurant en se donnant rendez-vous pour la fête de la fillette.

A la voiture le père et la fille se retrouvèrent et purent enfin se parler. Monsieur Poulain ne démarra pas tout de suite.

- Qui aurait dit que nous retrouverions la sœur de ta maman ? Cette histoire est merveilleuse, non ? ça nous met un peu de baume au cœur, après tous ces malheurs. Se confia Monsieur Poulain.

-  C’est vrai papa, moi qui pestait après ce journaliste ! c’est quand même grâce à lui qu’elle a pu nous retrouver… papa !

- Oui ?

- Je crois qu’on va découvrir d’autres choses encore. Je le sens…

- Quoi d’autre mon ange ?

- C’est une sensation que j’ai en moi, elle me brûle la tête.

- Tu as mal ?

- Ce n’est pas une douleur, papa, ce sont des pensées, ce sont des images qui me viennent et qui me hantent.

Il l’attira tendrement contre lui et frotta doucement son crâne avec la paume de sa main pour en chasser les visions néfastes.

- Tout ceci va s’effacer, ma chérie, je te le promets…

Puis, il lui donna un baiser. Des larmes d’impuissance ruisselaient dans le creux de ses joues.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 17:13

Parfois, il y a des gens qui croient voir en vous quelqu’un provenant de leur passé. Vous faites ressurgir à leur mémoire un souvenir parce que quelque chose dans l’expression de votre visage, votre manière de vous déplacer ou de parler, une vague ressemblance, rappelle un être cher.

 

Après l’épisode de la sortie chez Rose, Maya fut plus prudente et resta chez elle jusqu’à son parfait rétablissement. Elle profita de ces moments de tranquillité pour réfléchir à la situation et examiner toutes les d’hypothèses possibles. Malheureusement, elle ne parvenait pas à imaginer qu’un des voisins de Rose soit sans doute un tueur fou. Elle les énuméra l’un après l’autre, il y avait Lombardi l’épicier italien, Richard le vieux garçon précieux, Martino surnommé le sauvage du coin de la rue en raison de son mauvais caractère et Le capitaine Piole dont les tailles correspondaient approximativement à la hauteur du MONSTRE. Celui qui interpellait le plus Maya était Monsieur Raymond, un homme discret et secret dont la stature imposante se rapprochait le plus avec l’idée qu’on se faisait du MONSTRE. A cela se rajoutait son caractère mystérieux et son immense maison pour lui tout seul, car il était veuf depuis très longtemps. Oui, celui-ci avait retenu l’attention de Maya, mais pas de précipitation, il n’était pas question de reproduire la même erreur de jugement que pour Anatole. Il valait mieux attendre que Rose revienne.

Robin passa chaque jour chez Rose, malheureusement, elle ne réapparut pas.

Maya comptait bien qu’elle se manifeste un jour ou l’autre, aussi elle avait attendu un peu avant de téléphoner à Karim pour lui apprendre qu’elle était la véritable identité de Rose.

Elle avait envie de lui faire plaisir, ne lui avait-il pas rendu un service très précieux ? Grâce à son concours, elle avait pu rencontrer son grand-père, ce vieil homme énigmatique qui jadis avait connu Rose, ou plutôt Sihême. Il lui avait permis de comprendre les lettres d’Emma en les traduisant et surtout il avait réussi à trouver leur expéditrice.  Elle aurait tant voulu exaucer le vœu du Grand-père de Karim et que ces deux personnes liées par le passé se revoient.

Les jours avaient défilé et sans qu’elle s’en aperçoive, les vacances de noël s’étaient faufilées comme ça, l’air de rien. Après la brusque chute des températures, un radoucissement aussi surprenant chamboula la nature, transformant l’étendue des paysages en pâtisserie, les prairies, les forêts ainsi que les villes étant de la blancheur d’une garniture de chantilly. Cela sentait bon Noël et ses douceurs…

Maya n’était pas parvenue à joindre Karim une seule fois. Il était toujours occupé ou sorti. Elle était pressée de lui dévoiler le secret  de Rose.

Aussi lorsque le téléphone retentit, elle se précipita pour répondre, pensant qu’il ne pouvait s’agir que de Karim.

Seulement, ce n’était pas lui qui se trouvait à l’autre bout du fil mais une voix féminine inconnue qui demanda à parler à Maya Poulain.

- C’est moi, sa voix trahit une grande déception.

- Je suis désolée de vous déranger ainsi, chez vous. Vous êtes sans doute en plein préparatifs de noël, c’est bien normal…hem…

Cette voix inconnue était très embarrassée et avait du mal à en venir au fait.

- Voilà, dit-elle enfin, je ne vais pas vous faire attendre davantage… vous êtes bien la jeune Maya qui a été en première page du journal il y a quelques temps ?

- Oui, c’est bien moi. Répondit Maya, un peu surprise par la teneur de la question.

- Voilà, je connais quelqu’un que vous n’avez jamais vu mais qui vous a reconnue sur la photo.

- Comment ça ? demanda Maya interloquée.

- Eh bien, comment vous dire cela sans trop vous choquer… Il s’agit de quelqu’un qui a perdu la mémoire depuis des années. Elle ne se souvient d’absolument rien de son passé. L’autre jour, elle est tombée sur le journal avec votre photo en première page. Ça a été comme un déclic pour elle, comme une évidence. Elle s’est mise à pleurer comme une enfant en serrant la page du journal contre elle… La voix s’arrêta un moment pour déglutir et reprendre un peu sa respiration. Elle a dit… Elle a distinctement dit les mots suivants : « C’est ma sœur, c’est ma sœur. »

- Sa sœur ? s’exclama Maya.

- Bien entendu, cela ne se peut pas. Elle doit avoir une quarantaine d’années et vous…

- Je viens d’avoir treize ans. Précisa Maya.

- Vous comprenez, que je ne vous appellerais pas si cette femme que nous avons renommée Marie était une illuminée. Il ne s’agit pas de cela, non c’est une femme tout à fait sensée. Elle a seulement perdu tout son passé et ses racines… C’est la première fois en six ans d’amitié qu’une lueur d’espoir de lui faire recouvrer la mémoire s’offre à elle.

Maya tressaillit lorsque le mot amitié fut prononcé. Elle fit le parallèle avec sa propre expérience et tous les efforts qu’elle avait déployés jusqu’à présent afin d’aider Emma. Cette femme, comme elle, tentait d’aider son amie.

- Je sais bien, continua la voix, vous n’êtes pas obligée… Mais accepteriez-vous de la rencontrer ? Ne me répondez pas tout de suite, prenez le temps pour réfléchir à tout ce que cela impliquerait pour vous et votre famille… Je ne vous cache pas que fonde un grand espoir dans cette rencontre. Cela permettra, peut-être à mon amie de retrouver d’autres souvenirs enfouis dans sa mémoire. Les médecins parlent d’effet boule-de-neige, un souvenir en entraîne un autre et ainsi de suite… Bon, je vais vous laisser mon numéro de téléphone, je m’appelle Laura Simon…

Maya nota le numéro et prit congé poliment de la voix féminine. Elle resta un moment sans bouger, plongée dans ses pensées. Sa décision fut soudaine, oui elle devait accepter de rencontrer cette femme. Elle pressentait qu’elle allait elle aussi découvrir quelque chose d’important.

Monsieur Poulain avait suivi de loin la communication et il avait trouvé Maya peu bavarde avec son interlocuteur, en outre il avait remarqué qu’elle avait donné des précisions sur son âge et son attitude après l’appel était énigmatique. Aussi, il n’hésita pas une seule seconde à lui demander des explications.

- C’est une femme qui pense que je suis sa sœur, expliqua Maya évasive.

- Que tu es sa sœur ? qu’est ce que c’est que cette blague ?

- Elle m’a vue sur le journal et elle m’a reconnue… Enfin, elle a cru reconnaître sa sœur.

- Elle est bizarre cette histoire !

- En fait, elle a perdu la mémoire il y a longtemps et des souvenirs lui sont revenus en voyant mon portrait.

- Nom d’un petit bonhomme, comment est-ce  possible ! s’exclama Monsieur Poulain. Est-ce que tu penses à la même chose que moi Maya ?

- Oui papa.

Sans rien rajouter de plus elle composa le numéro et la même voix féminine décrocha.

-  Madame Simon ? J’ai pris ma décision, dit-elle, j’accepte de rencontrer votre amie.

- Elle accepte, chuchota Laura Simon en protégeant le haut-parleur du combiné téléphonique. Puis s’adressant à Maya. Vous ne pouvez pas imaginer ma joie ni la sienne. Est-ce que la rencontre peut se faire rapidement ?

- Quand vous voulez, je suis disponible en ce moment et mon père aussi car il m’accompagnera.

- Cela va de soi… Disons, demain midi au restaurant le Palmier. Cela vous convient-il ?

Maya hésita, le restaurant en question était très réputé en ville et très coûteux. La voyant réfléchir Monsieur Poulain murmura à son oreille que cela n’avait aucune importance.

- Qu’y a-t-il, cela vous bouscule trop ? s’enquerra la voix.

- Non, ce n’est pas ça… il est chic ce restaurant, laissa échapper Maya Brusquement.

- Ne vous en faites pas pour ça, c’est moi qui vous invite. Alors, à demain !

- À demain !... heu, mais comment je fais pour vous reconnaître.

- Nous viendrons à votre rencontre.

 

Karim finit par se manifester. Ils bavardèrent un bon moment de choses et d’autres, des prochaines fêtes et de leurs commandes au « père noël ». Maya déclara qu’elle avait déjà été suffisamment gâtée pour son anniversaire.

« Un ordinateur ! » s’était écrié le garçon, admiratif ou peut-être même envieux.

 

  Puis, Maya se fit un plaisir de le renseigner sur Sihême. En revanche, elle lui fit promettre de ne rien divulguer pour l’instant à son grand-père pour ne pas le décevoir si jamais Rose ne réapparaissait pas.

Elle lui raconta sa grosse fièvre après être allé le voir et l’expédition dans les boyaux de la ville de son frère Robin.

- Tu penses réellement qu’il a trouvé le repère du MONSTRE ? questionna Karim, intrigué.

- C’est sûr et certain. Le problème c’est qu’il n’arrive plus à localiser l’endroit. Il a essayé plusieurs fois de le retrouver, mais sans succès. Lui, il pense qu’il a déménagé.

- ça ce pourrait bien. Il est pas débile, ce MONSTRE, il va pas attendre sagement qu’on vienne le cueillir… Et le type à la casquette ? celui qui a ramené ton frère ?

- On l’a plus revu. Lui aussi a disparu. J’espère que tout cela va prendre fin… je me sens, lasse.

- T’en fais pas, la rassura le garçon. Tu as des nouvelles de ta copine Emilie ?

- Emma, pas Emilie. Non, ça fait un petit moment que je ne l’ai pas vue, mais je compte lui rendre visite demain après-midi. J’espère qu’elle va mieux… Au fait, tu le savais qu’il y a plusieurs sortes de comas ?

-  Non.

- J’ai trouvé des informations sur internet. C’est vraiment génial ! s’enflamma-t-elle.

-  Oh, ça va comme ça, tu arrêtes un peu de me faire râler ? bougonna-t-il.

-  Désolée, j’ai pas fait exprès… Dimanche prochain, je fais une petite fête pour mon anniversaire,  ça me ferait plaisir si tu venais. Comme ça tu pourras voir mon ordinateur  en chair et en os et tu pourras même t’en servir. Qu’est ce que tu en dis ?

- Ok.

- Tu n’auras qu’à  venir passer la journée. Si tes parents te le permettent, bien sûr… Tu pourras m’aider à préparer le repas et le…

- Hop là ! Je me disais bien qu’il y avait une arrière-pensée derrière cette invitation. Fit-il, pour la taquiner.

Enfin, ils se quittèrent.

Elle avait évité de lui parler de ce coup de fil étrange, car un grand espoir était né dans le cœur de la fillette et elle avait peur qu’il s’envole si elle le dévoilait. Elle  avait succombé sans doute à une stupide superstition.

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 17:10

 

Après une soirée aussi éprouvante, il semblait évident que Maya ne pourrait pas trouver facilement le sommeil. Pourtant, à peine eut-elle posé sa tête sur son oreiller qu’elle sombra paisiblement.

Lorsqu’au petit matin elle ouvrit l’œil, son ordinateur était en place sur son bureau, la connexion internet branchée. On avait pris soin de noter sur un bout de papier le code d’accès à la page.

Maya aimait bien la technologie au collège, c’était la matière qui lui avait permis l’accès aux ordinateurs et à leurs secrets. Comme elle avait une très bonne mémoire et un grand intérêt pour la chose, elle s’était, grâce aux bases fondamentales, initiée au surf sur le net chaque fois qu’elle le pouvait.

Il lui fallut quelques minutes pour comprendre comment cet ordinateur-là fonctionnait et bientôt elle fut plongée dans l’univers des sites d’internet.

Elle découvrait le plaisir de les visiter à sa guise sans limite de temps et sans partager les recherches avec un camarade. Un ordinateur pour elle seule, il n’y avait qu’un seul mot : GÉNIAL !

La fatigue découlant de sa forte fièvre s’était dissipée, elle se sentait toute revigorée. Elle tapait des mots au hasard sur le clavier et le serveur répondait presque instantanément à ses demandes.

Maya se sentait d’humeur joyeuse, son père lui avait offert le plus merveilleux des jouets.

- Profitons-en pour faire des recherches utiles. Se dit-elle.

Elle s’empara de l’écrin renfermant le bijou que lui avait offert Mamie et tapa le nom imprimé en lettres d’or à l’envers de la Boîte. Il était écrit « BIJOUTERIE BOURIEZ »

Aussitôt une page consacrée à cette bijouterie s’ouvrit. L’ordinateur dévoila à Maya la collection complète de ce créateur unique en son genre. Elle en profita pour dénicher les coordonnées complète du bijoutier. Elle rédigea ensuite un courriel.

 

«  Monsieur Bouriez, on vient de m’offrir un médaillon bleu avec un ange argenté à l’intérieur. J’aimerais bien savoir si un médaillon semblable mais avec une étoile au centre pourrait provenir de votre magasin. Si tel était le cas, auriez-vous l’amabilité de me dire à quelle date vous les avez vendus. Je vous remercie de votre réponse. Maya Poulain »

 

Elle tapa sur la touche envoyer et le courriel s’évapora dans les circuits de l’ordinateur.

L’autre recherche qu’elle avait envie d’entreprendre était sur la poétesse Sihême. Elle exécuta la même opération que la fois précédente mais ce ne fut pas aussi simple. Une  multitude de Sihême s’affichèrent, origine du prénom de Sihême, le blog de Sihême, les amis de Sihême et cetera.

Finalement elle dénicha le site d’une certaine poétesse algérienne née, il y a quatre-vingt treize ans. Cela correspondait bien, elle était un peu plus jeune que le grand-père de Karim, avait fait ses études à Alger jusqu’à obtenir un doctorat en sciences humaines. Elle avait travaillé en tant que journaliste mais très vite elle s’était adonnée à la poésie seule possibilité selon ses propres termes de retrouver une certaine liberté et de lutter plus aisément contre les injustices de ce monde. Elle fut politiquement engagée à travers ses poèmes et fut l’une des plus grandes figures du siècle dernier en Algérie.

« Cette grande Dame gagne à être connue. » pensa Maya. Certains de ses poèmes étaient traduits en français et Maya eut la curiosité de les parcourir. Cependant, elle ne comprenait pas comment on eut pu être qualifiée d’auteur engagé  en écrivant des textes qui paraissaient aussi inoffensifs. Elle réfléchit un moment et en déduit qu’elle n’avait pas encore la maturité nécessaire pour comprendre les idées qui se cachaient derrière des mots aussi simples.

Sur ce même site, elle trouva une série de photographies où l’on découvrait Sihême jeune adolescente ayant reçu un prix d’honneur pour la qualité d’un travail écrit. Il y avait Sihême, à l’âge de l’engagement politique frontal, entourée de ses camarades de l’époque. Puis quelques photos où elle apparaissait plus mûre, entrant dans l’âge. Il y en eut une qui interpella Maya, le portrait, de très bonne qualité, se révéla familier. La fillette se figea devant l’image en se creusant la tête. Où avait-elle pu rencontrer ce visage. Elle était certaine de le connaître.

Un paquet de gâteaux au beurre traînait sur la table, elle s’en servit deux et  les grignota tranquillement en analysant la photographie.

Tout à coup Robin fit irruption dans la chambre, Maya fit son tourner son siège et contempla les blessures de son frère.

- Tu as un sacré cocard, Robin. Dit-elle avant qu’il n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche.

- Merci de me le faire remarquer, répondit Robin encore groggy par un réveil matinal. Dis donc, il fait rudement froid dans ta chambre !

- Tu n’as qu’à fermer la fenêtre si tu veux. J’ai un peu aéré, mais tu as raison, il fait sacrément froid. D’ailleurs, ça me fait penser que je n’ai pas rendu visite à Rose depuis bien longtemps et j’ai peur qu’elle n’ait pas assez de fuel pour se chauffer convenablement. Tu pourras y aller, s’il te plait.

- ça va pas tu as vu la tête que j’ai, elle risque de prendre peur en me voyant. Si je suis venu dans ta chambre, c’est pas pour que tu me dises ce que je dois faire, ok ?

- Ok, excuse-moi.

- Bon, je suis venu pour te donner quelque chose.

- Ah ! bon.

- Voilà, tiens. Il lui tendit un paquet aussi maladroitement emballé que lui dans son attitude. C’était ton anniversaire, il y a pas longtemps, ben voilà c’est mon cadeau.

- Oh, merci, dit bien gentiment Maya.

Elle découvrit une longue tige de pierre polie par l’érosion et aussi pointue qu’un couteau.

- C’est une stalactite, expliqua-t-il. C’est ce qui se forme avec le calcaire de l’eau qui goutte des voûtes des grottes.

- Waw ! elle est vraiment très belle cette stalactite ! Merci, Robin.

Elle s’élança vers lui pour l’embrasser mais il se protégea le visage en se grandissant le plus possible, tant et si bien que même sur la pointe de ses pieds Maya ne pu atteindre la joue de son frère.

- Fais un peu attention, j’ai encore les joues endolories. Machinalement, alors qu’il venait de prononcer ces mots, il l’écarta et son regard se porta sur le portrait de Sihême. Il le  considéra et même s’y attarda en s’inclinant devant l’écran.

- Eh ! Lança-t-il, tu as vu… on dirait…

-  On dirait qui ? s’impatienta Maya.

- Non… Tu vois pas la ressemblance ?

- Allez dis-moi, s’il te plait. Maya trépignait d’impatience.

- On dirait Rose en plus jeune, tu trouves pas ?

La révélation happa littéralement la fillette qui peu à peu se rapprocha de l’image en la scrutant d’avantage à chaque pas. Mais, oui, on aurait dit vraiment Rose avec des traits plus jeunes, mais son regard pointu et vif était identique à celui que Maya lui connaissait.

- ça alors ! s’écria Maya, il faut aller la trouver.

Elle se précipita sur des affaires traînant sur la moquette et les enfila à la hâte un tricot de corps rose, sous le regard affligé de son frère.

- Tu comptes pas sortir maintenant ? lui demanda-t-il.

- Si, il faut absolument que j’aille la voir car elle connaît un secret très important. Elle continua à se parler à elle-même tout haut. Maintenant, je comprends pourquoi elle était si mal à l’aise lorsque je lui ai montré les lettres.

- Maya, de quoi tu parles ? Tu fais à nouveau de la fièvre ou quoi ?

- Non, touche ma main, elle la lui tendit, tu vois je n’ai pas de fièvre.

- De toute façon, je ne te laisserai pas sortir. Tu sais combien il fait dehors ?

- Non, fit-elle en le regardant droit dans les yeux. Et je m’en fiche !

- Il fait moins deux. Pas question que tu sortes ! non mais, regarde toi tu es toute pâle. Pas la peine de t’habiller, tu bouges pas.

- Bon, D’accord, dit-elle avec une petite moue d’impuissance. Je vais t’expliquer.

Maya expliqua à son frère l’épisode avec Karim et son grand-père et lui montra la traduction des lettres.

- Mais alors, réagit Robin, si Rose connaît l’agresseur d’Emma et de son père, elle qui ne sort pratiquement jamais de chez elle… cela veut dire…

- Qu’il vit sous ses yeux ! s’écria Maya. c’est pour ça qu’il faut aller la voir sans tarder !

-  Non, toi reste ici, je vais aller lui parler et t’en fais pas je vais mettre mon bonnet et mon écharpe pour qu’elle n’ait pas une vision d’horreur en me voyant.

- C’est inutile, trancha Maya, à toi elle ne parlera pas, et ce n’est même pas certain qu’elle se confie à moi. En tout cas je la connais mieux que toi, elle a plus l’habitude que je lui rende visite. Non, c’est décidé je vais y aller.

- Bon, tu as gagné, s’inclina Robin.  Mais je t’accompagne.

- Tu n’as pas compris ! si tu m’accompagnes, elle va se douter de quelque chose et se fermer comme une huître. En plus, si l’assassin nous voit ensemble chez elle il risque de se douter de quelque chose.

- Premièrement, je t’attendrai dehors et deuxièmement comment veux-tu qu’il sache qu’elle l’a repéré et que son vrai nom est Sihême. Donc, je t’accompagne. Répondit Robin avec toute l’intransigeance qui le caractérisait.

Maya comprit vite qu’elle n’aurait pas le dernier mot et du coup se plia aux exigences de son frère.

Elle était à peine remise et pour se rendre chez Rose il lui fallait parcourir un bon kilomètre et demi dans le froid. Aussi, Maya revêtit sa paire de collant en laine à bandes multicolore et enfila un jean large par-dessus, plus deux épaisseur de pull elle était prête pour une expédition polaire.

- ça te va comme ça ? dit- elle en attendant l’approbation de son frère.

- Oui, ça peut aller… je vais prendre un pull et j’arrive, rendez-vous dans le vestibule.

Maya acquiesça de la tête et se mira dans le grand miroir qui ornait l’une des portes de son armoire. « une boule » pensa-t-elle, puis elle dévala les escaliers pour rejoindre le Hall.

- Où est-ce que tu vas ? Demanda son père qui s’attelait déjà à la tâche ménagère.

-  Je vais voir si Rose va bien, tu comprends avec ce froid j’ai peur qu’elle n’ait plus assez de fuel.

-  Mais, il est Hors de question que tu sortes avec la fièvre que tu as eu ces jours-ci. J’irai, moi… tu es à peine remises que déjà tu t’évapores. Non, non, non… fit-il en quittant l’entrée le balai à la main.

À ce moment arriva Robin.

- Tu n’es pas encore chaussée ?

- Papa ne veut pas que je sorte, Chuchota-t-elle.

- Ce serait plus raisonnable, c’est vrai. Marmonna-t-il.

Maya vit son frère froncer les sourcils, un moment elle crut qu’il avait changé d’avis.

- Dépêche-toi, je vais faire diversion.

Il partit en direction de son père pour l’avertir qu’il sortait faire une petite course. Monsieur Poulain ne se méfia pas car il savait Maya obéissante, jamais il n’aurait pu imaginer qu’elle aurait pu transgresser l’interdiction.

Maya enfila ses bottes fourrées et sa doudoune grise en duvet d’oie à la hâte, attrapa au passage bonnet écharpe et gants, puis elle ouvrit la porte sans faire de bruit et sortit. Robin la suivit de peu.

 

Le vent soufflait par rafales, s’engouffrait dans les vêtements et circulait comme une main glacée sur le corps des gens emmitouflés. Maya et Robin ne firent pas exception, mais le désir de Maya de connaître enfin le nom de l’immonde MONSTRE était bien plus fort que le froid et le vent. Elle voulait que la justice soit rendue et que l’assassin soit mis hors d’état de nuire le plus rapidement possible.

Sa déception fut grande lorsqu’elle constata que Rose était absente. Elle quittait rarement la cabane, seulement pour se réapprovisionner en nourriture ou en carburant. Il y faisait froid, la porte avait été laissée grand-ouverte et les chats qui eux aussi souffraient des basses températures étaient venus s’y réfugier. Maya et Robin attendirent un moment à l’intérieur, espérant la voir arriver d’une minute à l’autre. Mais ça ne fut pas le cas. Alors, la fillette pensa qu’elle pouvait avoir sorti les chiens, en effet, eux aussi avaient déserté la baraque. Il lui arrivait d’aller les promener sur la colline derrière le lotissement. C’était un bout de terrain en friche qui servait  plus de dépotoir que de parcours de santé, mais Rose pouvait s’y balader et y trouver des trésors qui ne l’étaient qu’à ses yeux.

Maya avait des doutes tout de même, car il faisait bien froid et la petite Rose dans ce vent fort avait toutes les chances de s’envoler. Comment aurait-elle pu lutter du haut de ses un mètre quarante et de ses trente-cinq kilos. Un instant Maya pensa à Rose dans les airs vêtue de sa Robe bariolée, ses claquettes aux pieds, comme une Marie Popins sans parapluie. Cette image la fit sourire et puis il fallut bien se rendre à l’évidence, Rose n’était pas là, on ne savait pas à quel moment elle rentrerait, donc il valait peut-être mieux partir avant de prendre froid à nouveau.

Elle laissa un petit mot, pour signaler sa visite, sur un bout de papier qu’elle avait tiré d’un petit carnet qui avait élu résidence à perpétuité dans le sac à dos qui ne la quittait jamais. En sortant elle prit soin de bien tirer la porte d’entrée et de l’attacher avec le bout de ficelle qui pendait de la poignée.

- J’ai bien envie d’aller voir Mamie, qu’est ce que tu en penses Robin ?

Robin prit un moment pour réfléchir.

- Bon d’accord, mais on s’attarde pas. On se réchauffe un peu et puis on rentre. T’es encore plus pâle que tout à l’heure, et regarde tu trembles. J’ai pas envie que papa apprenne que je t’ai aidée à sortir alors que tu n’étais pas rétablie.

- Je te le promets, et puis une petite tisane me fera du bien, Mamie en a toujours de prête.

Maya essayait de gagner du temps, Rose pourrait revenir entre temps. La maison des Piole se situait à trois ou quatre pâtés de maison. Ils furent sur le perron en quelques instants.

Maya eut beau sonner à la porte, personne ne répondit. Ils rencontrèrent une fois de plus porte de bois. Elle n’eut pas d’autre choix que de rebrousser chemin ce qu’elle le fit à contrecœur.

Tout au long de la route Robin serra sa petite sœur contre lui, pour lui transmettre de sa chaleur. Ses lèvres étaient devenues violettes et les cernes de ses yeux s’étaient creusées.

- Bon dieu, ce que j’ai été bête de t’écouter. Marmonna Robin machinalement. Il l’attrapa par la main. Bon, on va essayer de courir.

Mais Maya était à bout de force, l’extrémité de ses bottes frottait sur le sol à chaque enjambée. Pour les derniers mètres, Robin la porta dans ses bras et lui parla avec une voix douce. Jamais il n’avait été aussi câlin et gentil avec elle, c’était un Robin qu’elle découvrait avec plaisir.

Heureusement que lorsqu’ils rentrèrent, Monsieur Poulain était sous la douche. Il n’entendit pas le remue-ménage dans le vestibule.  Robin aida Maya à se déchausser et à se défaire de sa doudoune. Il la porta dans sa chambre, où il la frictionna vigoureusement partout sur le corps sans oublier les extrémités. Il avait pris les Mains de Maya dans les siennes et tantôt les frottait, tantôt soufflait en appliquant sa bouche sur l’espace qu’il avait laissé, gonflant d’air chaud la cavité formée par ses mains. Il répéta l’opération jusqu’à ce que sa sœur retrouve un peu de couleurs. Puis, il quitta la chambre avant qu’elle ne se dévêtisse complètement pour enfiler son pyjama épais, en pilou. Elle se faufila sous la couette ne laissant apparaître que le bout de son nez. Elle était si bien enveloppée par la chaleur de son lit qu’elle finit par s’assoupir quelques instants. L’entrée brutale de Robin la fit sursauter.

- Comment ça va ?

- Mieux… Merci, Robin de t’être aussi bien occupé de moi. Tu es…

- C’est bon, C’est bon, n’en jette plus. Fit-il avec sa mauvaise humeur habituelle et surtout beaucoup de pudeur.

Maya n’insista pas, elle se tourna sur le côté, le vent fort avait chassé tout nuage, son regard se perdit à travers les carreaux dans le ciel d’un bleu aussi profond que celui de ses yeux. Un rayon de soleil lui lécha le visage rajoutant à son bien être, ainsi elle s’endormit comme un bébé.

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 17:03

Monsieur Poulain adorait sa fille par-dessus tout. Il connaissait parfaitement ses goûts et cette année plus que les autres il avait eu envie de la gâter. Tant de malheurs s’étaient enchaînés ces derniers temps qui avait accablé son petit ange qu’il se serait coupé en quatre pour la satisfaire.

Il avait concocté un petit plat à base d’épices de curry chères aux yeux de sa fille. En effet, elle était friande de plats et produits exotiques. Il avait assorti la viande de légumes frits et d’une semoule légère et dorée.

- Hum ! ne put s’empêcher de dire Maya en humant le parfum sucré du mets qui lui était destiné. Je parie qu’il s’agit de poulet au curry, non ?

- Bien vu ! tiens installe-toi et mangeons.

Et les voilà, tous deux, se faisant face et se délectant du repas. Le père et la fille ne s’étaient pas retrouvés dans un moment aussi intime depuis bien longtemps, depuis des lustres. Pourtant, ils n’échangèrent que quelques remarques sur le goût des aliments, la forte fièvre de Maya ou d’autres propos très banals. À aucun moment, ils n’abordèrent le sujet du coma d’Emma et tous les évènements qui s’en était suivis. Tant et si bien que pendant ce laps de temps les pensées de la fillette ne convergèrent plus vers les trop fortes émotions qu’elle avait connues depuis peu.

Ils rirent volontiers en évoquant la bataille de boules-de-neige et bien d’autres souvenirs agréables.

Maya avait repris des couleurs et du poil de la bête avec le régime que lui avait imposé son père. Les jus d’orange, les petits plats et sa bonne humeur tout cela avait contribué à ragaillardir la jeune fille.

Son père était gai ! combien d’année s’étaient écoulées sans qu’il ne desserre les mâchoires. Il avait fallu une succession de malheurs pour qu’enfin il se délivre de son poids, de sa souffrance.

Maya en profita pleinement, un papa heureux, elle en rêvait… c’était déjà ça…

Puis vint le moment du gâteau et de la remise du cadeau. Monsieur Poulain jubilait comme si le paquet devait lui être remis à lui.

Il quitta la pièce et revint avec une grosse boîte rectangulaire.

- Bon anniversaire ma belle, prends c’est pour toi. Il posa le paquet sur le lit de Maya.

Pendant que Maya se débrouillait avec son cadeau, il continua à lui parler, comblant ainsi le silence.

-Tu l’as bien mérité… Tu es une excellente élève, une fille adorable… Une jeune fille adorable ! treize ans c’est l’âge de raison…Bon, j’espère que tu vas apprécier et que…

- Oh ! papa ! mais tu as fait une folie ! Un ordinateur portable ! s’écria-t-elle en se jetant dans les bras de son père.

- Non, rien n’est assez beau pour mon ange ! Dit-il en la cajolant.

- Comment tu savais que j’en avais envi ?

- j’ai mené ma propre enquête. Répondit-il avec un  air mystérieux. Je t’ai aussi pris une connexion internet pour tes recherches et tes exposés ce sera plus pratique que d’aller à la bibliothèque.

- Mais papa c’est très cher tout ça, comment tu vas faire pour payer maintenant que tu n’as plus de travail ?

- Ne t’inquiète pas pour ça… c’est quelque chose qui me regarde moi, pas toi. Et puis, j’ai quelques économies… Alors, tu vois, penses à toi et à ton plaisir… D’accord ?

- Mon papa, je t’aime très, très, très fort. Dit-elle en se pressant contre lui.

 

Tout à coup un grand boum dans la porte d’entrée  des pas forts et appuyés résonnèrent dans le vestibule. Aussitôt Maya et son père prirent une attitude de méfiance.  Maya repoussa son ordinateur au milieu de son lit comme pour le protéger d’une éventuelle agression.

Le père et la fille s’immobilisèrent serrés l’un contre l’autre, saisis par la venue impromptue de l’intrus. La détente de la soirée céda la place à une vive angoisse.

Des mots furent échangés, l’une des voix était grave et enrouée, l’autre beaucoup plus discrète. Puis la porte claqua et l’on reconnut la voix de Robin qui héla de l’aide.

Aussitôt Monsieur Poulain, se précipita dans les escaliers pour se porter au secours de son fils. Maya quant à elle eut le réflexe de regarder par la fenêtre. Au loin, une silhouette s’éloignait à grands pas, l’homme portait une casquette…

 

La vue de l’homme à la casquette remplit d’effroi le cœur de Maya qui d’instinct s’élança au-devant de son frère en espérant qu’il ne fut pas blessé. Au moment où elle emprunta l’escalier, elle se demanda s’il ne s’agissait pas d’un avertissement à l’encontre de sa famille. Cette pensée la glaça et un frisson la parcouru, provoquant une onde qui ébranla son squelette en entier. Lors de ce hoquet, elle entendit nettement le son de ses os s’entrechoquant. Cela n’arrêta pas sa course pour autant, pressée qu’elle était de retrouver Robin.

La première vision qu’elle eut du garçon fut cauchemardesque. Son visage  était recouvert du sang coulant de son arcade droite. Elle avait probablement éclaté sous un coup violent. Ses paupières gonflées recouvraient ses yeux. Elle l’observa sans pouvoir prononcer un mot. Il était appuyé contre le mur de l’entré, le visage déformé et bouffi, les mains tremblantes. Monsieur Poulain s’était rendu à la cuisine pour trouver un linge propre et une bassine d’eau tiède afin de le nettoyer.

Maya dévisagea son père qui revenait, des larmes plein les yeux. Elle s’agenouilla près de Robin et éclata en sanglots. Robin impuissant, les bras ballants, se laissa docilement soigner par son père.

- Bon dieu ! Bon dieu ! ne pouvait s’empêcher de répéter Monsieur Poulain.  Il pansait les plaies de son fils avec une douceur extrême.

- Qu’est-ce qui s’est passé mon garçon ? reprit-il.

- Une mauvaise rencontre.

- Je l’ai vu par la fenêtre, c’est l’homme à la casquette. Intervint Maya, pleine de colère.

- Cet homme-là est une bénédiction, c’est lui qui m’a sauvé de mon agresseur. Souffla Robin. Je vais tout vous expliquer, mais s’il te plait, papa, aide-moi à me relever et amène- moi dans le fauteuil que je détende mon corps. Je me sens tout endolori.

Monsieur Poulain s’exécuta et à petit pas il traîna péniblement son fils dans le salon, car il faut dire que Robin était d’un gabarit bien plus carré et Robuste que son père. Il l’installa près du feu qui se mourait dans la cheminée. Une bûche suffit à le relancer grâce aux quelques braises qui subsistaient. Fripon le chat se frotta aux jambes de Robin, il semblait, lui aussi, participer au réconfort du garçon.

Le père et la fille  se rapprochèrent, et attendirent, attentifs, les explications de Robin. L’atmosphère était empreinte de gravité. Sa réaction, une fois réconforté, fut des plus singulières. On aurait pu croire qu’il aurait hâte de se livrer car le moment et le lieu étaient propices à la confidence. Au lieu de cela, il partit dans un grand éclat de rire qui dura plusieurs minutes et presque une éternité pour Maya. Monsieur Poulain et la fillette se regardèrent sans comprendre.

- Robin ! qu’est ce qu’il te prend ? parle mon garçon. Lança le père.

- Excuse-moi, c’est la pression qui redescend… J’ai du mal à me contrôler…et il s’esclaffa de plus belle.

De nouveau, Maya et son père se lancèrent un regard de complicité. Leurs yeux s’étaient arrondis en signe d’interrogation, un sourire se dessina sur leurs lèvres. Le rire se communiqua et bientôt tous les trois furent hilares.

La franche rigolade dura encore quelques minutes, puis, ayant repris leur respiration, tous trois se calmèrent et Robin raconta.

- Ah ! ça fait du bien de se gondoler un peu… Bon, alors commençons par le début. Comme je vous l’avais expliqué, on devait faire une descente dans les catacombes pendant deux nuits d’affilée. On avait bien préparé notre petite excursion, pas vraiment comme lorsque nous prospectons des grottes en pleine nature car c’est moins dangereux. Enfin, du point de vue de la nature. Mais on avait préparé tout ce qui nous semblait nécessaire, à savoir : des lampes, de l’eau des cordes et des radios au cas où se perdait de vue. Hier  on a tracé notre itinéraire pour le soir en nous servant de différents plans et du cadastre. Tout baignait, on s’est engouffré dans les boyaux de la ville en se faisant des petites peurs, histoire de rigoler quoi !

On a suivi notre itinéraire à la lettre. Au début, tous les repères correspondaient bien au plan. Là, on a bien déliré tous les Huit…

- Tu n’avais pas dit que vous seriez quinze ? rectifia Maya.

- Oui, c’est vrai… En fait, on a eu quatre désistements au dernier moment et trois filles se sont dégonflé une demi-heure après le départ. On a chahuté, elles ont pas apprécié du tout ! il faisait noir, il y avait des bruits… Bon, voilà... Donc, on s’est retrouvé à huit dont deux filles, les plus courageuses, bien entendu. La traversée devait se faire en quatre heures au maximum, si on ne s’arrêtait pas en route pour observer toute la zone dont on nous avait parlé…

- Qu’est ce que c’est la zone ? questionna Maya.

- Comment t’expliquer ? ce sont des gens qui vivent en marge de la société et qui se retrouvent là-dessous pour faire des concerts par exemple. Il y en a qui  y vivent. D’autres qui ne font qu’y passer comme nous. Il y a aussi des immigrés qui s’y cachent en attendant d’avoir des papiers et d’être en règle avec la justice. On y trouve des loubards aussi, des gens violents et un peu fous, la preuve… dit-il en montrant ses blessures.

Donc, nous voilà engagés dans les entrailles de la ville depuis près de quatre heures et même plus peut-être, sans croiser la moindre personne et avec le sentiment que nous tournions en rond lamentablement. Les esprits ont commencé à s’échauffer et un sentiment de lassitude s’est emparé d’une bonne partie du groupe. On n’était que quelques-uns à garder notre calme et l’on passait beaucoup de temps à rassurer les autres. Il y avait un hic dans notre itinéraire et l’on n’arrivait pas à le dénicher. Finalement, on s’est décidé à y aller à l’aveuglette et de…

- Qu’est ce que ça veut dire à l’aveuglette ? demanda Maya.

- Si tu m’interromps toutes les minutes, j’y arriverai jamais… à l’aveuglette, au hasard, au pif, quoi ! Bon, j’en étais où ?

- Vous avez pris un chemin au pif, affirma Maya qui suivait avec grand intérêt le récit de son frère.

- Ah oui, voilà… On a choisi d’aller à droite plutôt qu’à gauche à un point d’intersection. Et finalement on a enfin trouvé le passage qui nous menait dans ce lieu dément. En fait, on s’était trompé à cause du tracé imprécis de notre carte. À ce moment-là on jubilait, c’était un endroit très étrange mais fascinant. Il y régnait une atmosphère bizarre, la lumière était verte. Ils avaient réussi à détourner l’électricité de la surface. L’air était suffocant, tellement il y avait de fumée. On a croisé des gens hallucinants avec des cheveux verts et d’autres fringués comme au siècle dernier. On aurait dit que deux époques se côtoyaient, le passé et le futur mais en aucun cas la nôtre avait sa place. On a assisté à plusieurs concerts, de l’électronique, de l’électroacoustique, et du classique aussi. On a même partagé un repas avec des gars complètement illuminés. On a dansé comme des fous. C’était géant !

Enfin, quand la fatigue a commencé à se faire sentir, on s’est rassemblé pour sortir. On a pris un autre chemin que celui qui nous avait conduit jusque-là. Valait mieux suivre les indications que les gens nous ont données. Et puis, badaboum on s’est encore perdu et on a débouché sur des caves plus ou moins occupées. Et on s’est retrouvé malgré nous dans le repère de bandits.

- Oh ! Maya ne pu retenir son cri.

- On était tous complètement crevés, les deux filles étaient soutenues par deux gars et moi j’ouvrais la marche. Je ne comprends pas pourquoi ils ont cru qu’on venait là pour les narguer. En tout cas, ils avaient un air farouche qui nous a fait froid dans le dos. Ils nous ont laissés passer, puis on a continué notre chemin tout en les sentant tout proche dans notre dos. On s’est engouffré n’importe où et là on s’est perdu pour de bon. C’était l’horreur, les filles pleuraient et moi je paniquais intérieurement mais je ne montrais rien pour ne pas affoler l’équipe. Avec Marc on a décidé de se scinder en deux groupes, on avait nos radios ça ne posait donc pas de problème. Au bout de dix minutes j’ai trouvé une sortie et j’ai appelé Marc pour lui indiquer le chemin, les autres sont rentrés chez eux et moi j’ai tenté de joindre Marc en vain. Je suis donc redescendu, j’ai emprunté le chemin qu’avait pris Marc un peu avant mais je l’ai pas trouvé, pas de contact radio non plus. Je me suis aventuré seul et je vous prie de me croire que j’étais loin d’être rassuré. J’ai pris un long couloir et je me suis dit que si, au bout, je ne retrouvais pas Marc je rebrousserai chemin et je sortirai à l’air libre. Mais loin de me douter de ce que j’allais trouver au bout du chemin.

Robin marqua une pause car des souvenirs douloureux revinrent à sa mémoire. Il réclama un verre d’eau fraîche ce que s’empressa de lui donner son père. Puis il reprit.

- Tout au bout, j’avais remarqué un faible éclairage, je me suis engagé dans cette voie sans méfiance. Ma seule crainte était de me retrouver face à un rat agressif mais je ne m’attendais pas à me retrouver nez à nez avec un géant. Il est apparu d’un seul coup, j’ai pas pu distinguer ses traits parce qu’il était en contre jour. On aurait dit un ours qui défendait sa grotte. Je n’ai pas vu arriver le premier coup mais par contre je l’ai senti violemment. J’étais à terre et il s’acharnait sur moi lorsque mon sauveur lui aussi venu de nulle part lui a asséné un grand coup de barre en fer dans le dos. Le géant est tombé inconscient à côté de moi. Je n’ai pas compris pourquoi cet individu avait déployé contre moi autant de violence, je ne l’avais pas menacé !

-  Sauf si tu avais trouvé son repère. Tu comprends, cet homme a certainement quelque chose à cacher, quelque chose qui peut le mettre en danger s’il est découvert. Tu est arrivé par hasard, mais rien ne dit qu’il ne t’a pas pris pour un autre. Observa Monsieur  Poulain.

-  C’est vrai ça, coupa Maya. peut-être qu’il se sentait observé depuis longtemps… Par l’homme qui t’a sauvé, oui c’est ça.

-  Tu veux dire que je me suis pris une raclée à la place du type à la casquette ?

-  Oui, je crois bien. Sinon pour quelle raison se serait-il acharné ? continua Maya.

-  Tu as vu son visage ? demanda Monsieur Poulain.

-  Oui…

-  Alors tu pourras le décrire à la police.

-  Non.

-  Mais pourquoi ! s’écria Maya.

- Parce qu’il était masqué.

- Je suis certaine que tu as trouvé « à l’aveuglette » l’antre du MONSTRE, affirma Maya. Il faudra que tu retrouves le chemin pour que la police coince ce hors la loi.

 

 

 

 
Partager cet article
Repost0
10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 17:00

Maya était pressée de lire les traductions pour pouvoir en comprendre le sens et en interpréter les mots. Enfermée dans sa chambre, dissimulée dans son lit et plus particulièrement sous sa couette, sa lampe frontale en place, elle déplia délicatement le papier qui recélait les poésies. Elle les lut à voix basse pour elle-même, lentement avide d’en déchiffrer le sens.

 

 

Sous le ciel opale, la flamme te trahit

Sous le toit brûlant des bâtisses le vent s’évanouit

Il te voit dans ton âme

Il te voit, te réclame

Par les chemins obscurs, il te soumettra à sa loi

Île dans la campagne, retrouve le soldat

Et ne perd pas espoir, un jour le punira.

 

Il est temps maintenant, presse, presse le pas

Il est temps maintenant, retourne-toi

L’enfant ne sera pas épargné par la bête

Si tu persistes à braver le danger

Il est tout près de toi, il t’observe

Il est tout près de toi, méfie-toi

Pars, il en est encore temps.

 

Karim avait rajouté un petit commentaire tout comme le lui avait demandé son grand-père.

« voilà, tu viens de finir la lecture des deux lettres, cependant il ne s’agit que d’une traduction approximative car en arabe il existe des subtilités qui sont intraduisibles en langue française. En gros, il s’agit d’avertissements mais le style avec lequel le texte a été écrit laisse à penser qu’il s’agit de Sihême, grande poétesse et intellectuelle rebelle de la génération de mon grand-père. Je dois rajouter qu’il a été très étonné de lire ces poésies écrites de sa main car il la croyait disparue depuis bien longtemps. il semblerait qu’elle vive dans la région. Donc, mon grand-père te demande une faveur, si tu arrives à la retrouver, il aimerait la revoir avant de mourir. Car il admire cette femme et possède tous les recueils de poésies qu’elle a écrit. Alors, sois sympa, si des fois tu arrives à savoir où elle vit, rends moi ce service. Il m’a dit aussi de te dire qu’elle parle d’une personne très dangereuse et que même si elle n’a pas employé le mot monstre, certaines tournures de phrases laissent à penser qu’elle fait référence au MONSTRE et que ton amie Emma est liée à cet homme monstrueux qui est recherché depuis longtemps. Mon grand-père pense que Sihême le connaît, qu’elle doit l’observer et peut-être même l’espionner. L’homme agit souvent dans les campagnes mais il doit vivre dans une ville où il mène une existence d’homme ordinaire. Voilà, je t’ai noté tout ce qu’il m’a dit, en espérant que cela te sera utile dans ton enquête.

Ton ami, Karim. »

 

Maya serra le papier fort contre elle. Alors, le MONSTRE, était lié à Emma et son père… le grand-père de Karim bien que centenaire avait un cerveau qui fonctionnait à mille à l’heure. Il s’était sans doute servi de ses pensées à elle, il avait du s’imprégner de son vécu. Non d’un chien ! comme tout ceci était troublant. Mais peut-être que non, peut-être que Karim s’était livré et lui avait tout raconté, toutes ses mésaventures à elle. Peut-être que les déductions du vieil homme venaient de ce que lui avait confié Karim. C’est vrai… Ils semblaient si proches et si complices.

Elle ressassa les mots échangés avec Emma, avec Monsieur Rénald et Karim aussi. Tout lui revint en bloc comme un flot d’images et de paroles qui se mélangeaient au fil du débit de leur apparition. Il y avait des retours en arrière et des bons en avant. Tout un tourbillon de sensations et de couleurs vibrait, tournoyait inlassablement et se répandait en cascade inexorablement. Maya n’était pas de force à lutter contre les effluves d’images des rapides. Prise d’assaut par la déferlante, elle n’eut d’autre alternative que la panique. Elle avait perdu la faculté d’émettre le moindre son de sa gorge. Rien ne pouvait la sortir de cet enfer, rien si ce n’est qu’un petit souvenir enfoui, celui dans lequel Emma lui avait expliqué comment dominer la rivière, comment s’en faire une alliée.

- Respire profondément, lui avait-elle conseillé. Et surtout ne te laisse pas submerger par tes angoisses. Tâche de t’apaiser… Allez essaye.

Maya respira fortement et lentement pour bien oxygéner son cerveau et peu à peu l’emballement de ses pensées se calma. La cadence des visions emboîta le pas à la respiration. Elle sortit insensiblement de sa torpeur, mais une chaleur torride l’enveloppa et elle s’endormit profondément.

 

Lorsque Maya se réveilla, son père s’était assoupi auprès d’elle. Sa respiration était forte et de temps en temps un grognement caverneux surgissait de sa poitrine. Il s’était aménagé un coin repos, au moyen d’un gros pouf et de quelques coussins, une couverture en polaire lui remontait jusque sous le menton. Il dormait comme un nourrisson.

Maya se demanda ce qu’il faisait dans sa chambre, mais lorsqu’elle voulu se lever son corps tout endolori l’en empêcha. Ses membres tremblèrent, elle était dépourvue d’énergie. Les draps trempés lui collaient aux jambes et ses cheveux s’étaient plaqués par paquets sur son front et ses joues. Sa voix était faible, pourtant elle rassembla toutes ses forces pour appeler son père.

- Papa ! Papa !

Malheureusement, Monsieur Poulain n’entendit pas sa fille. Il dormait trop profondément.

Maya se rendormit. Elle ne sut dire combien de temps elle resta ainsi, mais lorsqu’à nouveau elle se réveilla, son père n’était plus là.

Elle se sentait moins chaude et moins faible, néanmoins elle n’eut pas encore la force de se redresser. Elle se tourna vers la gauche, en direction de la fenêtre et considéra le beau rayon de soleil qui perçait de l’espace laissé par les volets entrebâillés.

Elle n’eut pas a attendre longtemps la venue de son papa. Celui-ci s’était seulement absenté quelques minutes pour prendre une douche. Une bonne odeur de savon se répandit dans la pièce lorsqu’il entra.

- Maya ? Oh, Maya ! tu t’es réveillé, enfin !

- Qu’est qu’il y a papa… Je me sens toute drôle.

- Tu es malade depuis dimanche. Tu nous a fait une fièvre de cheval ! j’ai fait venir le docteur Michel tellement j’étais inquiet. On a même failli t’hospitaliser.

- On est quel jour ?

- Mercredi. Tu te rends compte que tu es montée à quarante degrés ! alors avec ton bleu au cerveau, on a eu peur que ça fasse des dégâts…

- Mercredi ? j’ai dormi pendant tout ce temps !?

- Oh, mais tu as même déliré. Tu racontais n’importe quoi, une histoire de poème et de limbes. Hum ! ça fuse dans la caboche de ma petite fille. Dit-il en lui essuyant le front. 

- Je ne me souviens plus de rien.

- Normal, avec la fièvre que tu as eue… On s’est relayé avec Robin et puis depuis hier il est parti prospecter les catacombes de la ville. Normalement, il devrait rentrer ce soir, comme ça on pourra fêter ton anniversaire, hein ma puce ?

- C’est vrai, j’ai eu mes treize ans !

- J’ai hâte de t’offrir mon cadeau… mais pour le moment je vais te conduire à la salle de bain. Car j’ai plus l’impression d’être le père d’un petit troll que d’une jeune fille, nom d’un petit bonhomme ! fit-il, puis il emporta sa fille dans ses long bras maigres.

Au fond du lit gisait une page de papier froissée et imbibée de sueur…

 

« Ah ! quel bienfait que ce bon bain tiède à souhait ! » se dit Maya en barbotant dans la baignoire. Petit à petit des éléments de sa journée du dimanche lui revenaient. Sa                                       visite chez Rose et sa réaction singulière, puis les questions du Capitaine Piole, mamie qui lui avait offert le médaillon et enfin le rendez-vous avec Karim. Elle avait dû prendre froid sur la moto de Robin, elle se souvint parfaitement l’air glacial qui l’avait traversée jusqu’aux os. Elle se rappela aussi sa visite chez Karim et sa famille si différente de la sienne. Et puis, il y avait le grand-père, noble et magnifique et son aide précieuse. Maya pensa à la traduction et subitement, elle eut un coup au cœur. Elle ne se souvenait plus de ce qu’elle en avait fait. Elle l’avait lue dans son lit, jusque-là c’était clair dans son esprit mais ensuite, le néant. Elle se savonna vigoureusement de la tête aux pieds croyant qu’en se décapant ainsi elle se remémorerait les évènements davantage.

Après le bain, Maya enfila une tenu légère et confortable. Sa tête qui tournait encore lui rappela sa fragilité. Elle n’eut qu’une envie, celle de s’allonger confortablement dans son lit.

Son père lui avait gentiment préparé sa chambre. Les draps et même la housse de couette avaient été changés. Le tissu était frais, Maya rentra avec un réel plaisir dans son lit. La chambre avait été aérée et les volets grand ouverts. Un puit de lumière envahissait la pièce.

- Ah ! Ah ! tu as faim j’espère, s’exclama Monsieur Poulain en arrivant. Car je t’ai préparé des œufs au bacon, un chocolat et du jus d’orange pressé maison… Hum, il te faut des vitamines. Regarde moi ce beau visage tout pâlichon, dit-il en installant le plateau repas à proximité de sa fille. Prends des forces, mon ange.

- J’ai faim ! Miam ! je vais me régaler… dit, papa, t’aurait pas trouvé un papier avec des poésies écrites dessus ?

- Oui… oui, je l’ai trouvé tout à l’heure en refaisant ton lit. Mais où est ce que j’ai pu le mettre ? se demanda-t-il en se grattant la tête et en tournant sur lui-même… bon dieu ! je l’ai peut-être mis dans la machine à laver avec les draps !

- Oh non ! s’écria Maya.

- Pourquoi ? c’était important ? La, la, la, j’y vais vite. Est-ce que j’ai mis la machine en route ? bonne question, se dit-il et il se précipita dans la buanderie.

Maya, désolée et impuissante se contenta de regarder autour d’elle. Au bout d’un moment elle remarqua un papier chiffonné sous son bureau. Elle sortit de son nid douillet à contre cœur et s’accroupit pour ramasser ce qui n’était que le vulgaire brouillon d’un exercice de math. Elle flancha car les forces ne lui étaient revenues qu’en partie et du coup elle s’assit. Ainsi postée, elle scruta le sol autour d’elle dans l’espoir de retrouver le papier qui contenait la traduction.

Sous son lit, une espèce de chiffon se dissimulait derrière un pied. Maya progressa à quatre pattes, s’en saisit et souffla en constatant qu’elle avait retrouvé sa précieuse traduction. Elle réintégra son lit, soulagée.

- Je ne l’ai pas trouvé ! héla de loin son père. Désolé, dit-il enfin, en entrant.

- Ce n’est pas grave, papa, car moi je l’ai trouvé.

 

Maya dévora de bon appétit son repas, elle sentit ses forces à nouveau grandir. La journée passa entre somnolence et lecture. La fillette s’imprégna des textes traduits, les apprit même par cœur, lorsqu’elle en eut assez, elle bouquina une bande dessinée humoristique, histoire de passer le temps. Puis, de temps à autre lorsqu’elle s’en sentait la force, elle essayait d’organiser ses idées à propos du MONSTRE et d’Emma. Elle essayait de trouver le fil conducteur entre son amie et un homme recherché par la police depuis tant d’années. Y avait-il un lien avec les tueurs à la casquette ?  étaient-ils des employés du MONSTRE ? ou alors le lien existait-il plutôt avec le père d’Emma. Il y avait son médaillon qui correspondait presque à la description de celui trouvé sur le corps inanimé de Monsieur Rénald. Y avait-il moyen de retrouver son propriétaire ? non décidément, ce n’était pas le moment de remuer tout ça, elle était encore un peu trop fatiguée pour réfléchir efficacement.

De temps en temps, Monsieur Poulain, faisait une apparition pour contrôler la fièvre de Maya ou bien pour l’alimenter convenablement. Il passait un petit moment avec elle, puis il la laissait se reposer.

Le soir venu, il lui tarda d’offrir à sa fille sa surprise. Aussi, ne voyant pas revenir Robin, il pensa qu’il serait sympathique de fêter les treize ans de Maya tous les deux, en tête à tête.

- Qu’est ce que tu en penses Maya ? Tu veux bien, ou alors tu préfères qu’on attende Robin ? comme elle ne répondit pas il continua. Tu sais, il se fait tard et si ça se trouve il ne rentrera pas ce soir ou alors tard dans la nuit.

Maya se dit que son père semblait tout excité à l’idée de lui offrir son cadeau, alors pourquoi le contrarier.

- Bon, d’accord. Répondit-elle, enjouée. Mais j’ai bien envie de rester au chaud dans mon lit. Je peux ?

- Pas de soucis, je monte le guéridon et tout le nécessaire pour fêter ça dignement.

Elle ne le vit réapparaître qu’une heure après.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 12:54

Il faisait froid sur le scooter de Robin et bien que Maya ait endossé son manteau de laine, l’air glacé la transperçait. Heureusement, le voyage ne fut pas très long. Déjà, au loin, se profilait une cité formée de bâtiments gigantesques, tels des colosses de pierre inertes, assoupis, depuis la nuit des temps. C’est dans ce grand ensemble d’immeubles rectangulaires gris et silencieux, que vivait Karim.

Robin insista pour accompagner sa jeune sœur jusque devant l’entrée du bloc B2. Ils traversèrent une vaste cour, à leur droite un petit centre commercial constituait le cœur, l’organe vital de la cité. Même si les voies étaient désertes, on entendait de la musique exotique émaner de ce lieu de rencontre. Ils poursuivirent leur chemin droit devant et gravirent des escaliers menant sur une autre place agrémentée d’une sculpture aux formes ovoïdes.  Enfin, après avoir tourné un moment, ils repérèrent le bâtiment B. Robin lâcha Maya au pied de l’immeuble et en frère responsable il attendit qu’elle disparaisse dans le hall avant de partir. Des graffitis recouvraient les murs extérieurs qui par la même avaient perdu leur couleur d’origine. À l’intérieur, le couloir avaient profité de semblables décorations. Maya était fascinée,  chaque mot écrit, chaque dessin peint lui racontait une histoire. Sur les boîtes aux lettres ornées, elles aussi, on pouvait à peine lire le nom et l’étage des locataires.

- Pourvu qu’il n’habite pas au douzième, se dit Maya.

Concentrée devant la multitude de boîte à lettres car il en avait un mur entier, elle n’entendit pas qu’on approchait.

- Maya !

Maya se retourna, surprise d’entendre une voix familière.

- Madame Hilly !?

Le professeur avait quelque chose de changé. Ses cheveux blonds lâchés adoucissaient ses traits et la rajeunissait considérablement.

- Tu cherches quelqu’un, je peux t’aider peut-être ?

- Oui, ce n’est pas de refus… je cherche la Famille de Karim Bélouel.

- Ils sont au troisième, viens je t’y emmène.

Elles commencèrent leur ascension par les escaliers car l’ascenseur était  une fois de plus hors d’usage.

- Vous vivez ici ? questionna la fillette.

- Non… non, je viens de temps en temps pour faire du soutien scolaire ou aider à rédiger des lettres, des demandes d’emploi, alors je me suis fait pas mal d’amis, tu vois… Aujourd’hui j’étais invitée… et toi, tu viens voir Karim je suppose.

- Oui, c’est un camarade… j’ai un petit service à lui demander.

- Voilà, nous sommes arrivées. C’est la porte de gauche. Bon… à lundi, Maya.

- Oui, à demain Madame Hilly.

 

Maya marqua un temps avant de sonner. Puis, enfin elle pressa le bouton, Karim l’accueillit et l’invita à entrer.

L’appartement était peu meublé mais très coloré. Les murs aux couleurs chaudes conféraient au lieu une grande intimité. Une odeur forte d’épices planait et  rajoutait à l’exotisme du lieu.

Il y avait sur le sol du salon un magnifique tapis finement ouvragé. Sur la table basse, disposé au centre de la pièce, trônait un service à thé en argent. De la vapeur s’en échappait ce qui fit penser à Maya qu’elle arrivait au beau milieu d’un moment de réunion familiale. Adossés à chacun des murs, installés sur des poufs de cuir jaune, un certain nombre de personnes assises et discrètes semblaient attendre.

De fait, son apparition avait coupé net le brouhaha des conversations. On guettait les réactions de l’invitée, on était curieux de sa personne. Maya était confuse, intimidée par tous les regards scrutateurs qui convergeaient vers elle. Cependant, elle balaya du regard cette sympathique assemblée et découvrit des visages aux teints hâlés, aux sourires empreints de gaieté et de bonté. Ils portaient des vêtements très amples et si colorés qu’on les aurait dit sortis d’une peinture.

Karim la présenta. Maya fit connaissance de son père, de ses deux frères, d’une cousine et de deux oncles qui selon les dires du garçon ne constituaient qu’une infime partie de sa famille. Chacun s’appliqua à la saluer d’une parole de bienvenue. Puis, ce fut au tour de la mère de Karim. Celle-ci déboucha de la cuisine chargée d’un plateau couvert de gâteaux plus appétissants les uns que les autres. Elle dit :

  -Viens, entre n’aies pas peur.

C’était une femme de corpulence imposante animée d’une grande vitalité. Ses gestes étaient précis. Elle servait le thé à la menthe à l’orientale en tenant la théière loin au-dessus de chaque timbale, la ramenant au plus près et passant de d’un verre à l’autre sans marquer la moindre pose. Maya contempla la petite mousse se formant à la surface qui donnait au breuvage un aspect de légèreté. 

Elle s’assit sur le tapis, se débarrassa de son sac et de son long manteau rouge car il faisait bon. Karim, l’accompagna sans un mot, il se contenta de rester à ses côtés.

- Tu aimes le thé ? demanda la mère.

- Oh ! oui, j’aime beaucoup le thé, mais encore plus le thé à la menthe.

- Tiens… attention de ne pas te brûler, c’est très chaud…

- Je vais tâcher de faire attention… Merci Madame.

- Alors, tu as besoin d’un service, à ce qu’il paraît ? dit-elle.

Tout en lui parlant, elle passait d’une personne à l’autre distribuant sa boisson chaude avec adresse.

- Heu… oui… mais c’est confidentiel. Balbutia-t-elle.

- Ne t’inquiète pas, ici, il n’y a que des gens de confiance… Alors, qu’est ce qu’on peut faire pour toi ?

Tous les grands yeux noirs se figèrent sur elle et Maya qui n’était déjà pas si grande se sentit plus petite qu’une fourmi.

- Hé bien… j’ai là des lettres qui sont écrites, je crois en langue arabe…

 J’aurais besoin qu’on me les traduise. Alors, j’ai pensé que Karim pourrait peut-être m’aider…

De concert, le groupe explosa d’un grand éclat de rire sauf Karim qui lui piqua un phare monumental. Maya se demanda quelle bêtise, elle venait de prononcer. Embarrassée, elle se tourna alors vers son ami pour l’interroger du regard, mais celui-ci avait la tête baissée et le nez dans son verre. Certains riaient aux larmes, d’autres se frappaient le genou, ou alors ouvraient grand leur bouche pour laisser saillir un cri strident à la manière d’une sirène.

- Qu’est-ce que j’ai dit de si drôle ? osa questionner Maya.

- Je ne sais pas lire l’Arabe, grommela Karim tout penaud.

- Il n’a pas voulu l’apprendre ! Intervint sa mère en s’essuyant une larme au coin de l’œil avec le bout d’un torchon.

- Oh ! mais ce n’est pas grave, lança, Maya pour désamorcer l’humiliation de son ami. Je vais m’arrang…

- Pas grave ! releva le père en se levant d’un bon et se retournant vers sa femme. Non mais tu entends ça, Waria ? pas grave ! refuser ses origines ça n’est pas grave mademoiselle ?

- Oh, mais ce n’est pas ce que je voulais dire… se rattrapa Maya de plus en plus embarrassée.

- Et que vouliez-vous dire mademoiselle ?

- Je voulais dire que ce n’était pas grave pour moi, mais pas pour lui, c’est tout…

- Arrête papa ! il te fait marcher… viens on va voir mon grand père. Lui au moins il ne se moquera pas de mon ignorance. Argua Karim avec un brin d’insolence.

- Toutes mes excuses Mademoiselle Maya, j’espère ne pas vous avoir blessée… vous comprenez l’humour, j’en suis sûr ! j’en suis même certain…

Karim avait déjà attrapé Maya par le bras pour l’entraîner dans une autre pièce. Elle tenta de répondre au père qui s’adressait à elle sans discontinuer mais en vain, de toute façon les rires intempestifs auraient sans doute couvert sa voix.

- Ils me soûlent mes parents, tu peux pas savoir à quel point ! et tes parents à toi, ils sont pareils ?

- Ben, mon père est moins rigolo… il est vraiment, comment dire, triste… remarque, vue que ma mère est morte, c’est peut-être normal.

- Mince, excuse, je ne savais pas… j’avais oublié.

- Bah, c’est pas grave.

- Pas grave ! non mais écoutez-moi cet énergumène ! pas grave ! fit-il en imitant son père.

Devenus complices ils éclatèrent de rire.

- Voilà, on est devant la chambre de mon arrière grand père. Il est très très vieux, tu vas voir, il a cent quatre ans.

- Ça alors, cent quatre ans ! tu en as de la chance d’avoir un grand-père aussi vieux. Il doit être fatigué, à son âge ?

- Un peu, mais pas tant que ça… c’est un phénomène ! Ah oui, il est un peu sourd. Il faudra que tu parles un peu fort.

Karim ouvrit la porte et Maya resta figée sur place lorsqu’elle entrevit le grand monsieur.

Il était assis près de la fenêtre sur un large fauteuil en rotin au confort sommaire. On lui avait rajouté quelques oreillers de satin pour le caler et parfaire à son bien-être. Ses genoux pliés, remontaient haut devant lui et laissaient deviner combien il devait être grand. Ses mains, longues et fines accrochées vigoureusement aux accoudoirs telles les serres d’un aigle majestueux en disait long sur sa pugnacité sa vigueur à vouloir vivre. Il ne faisait pas partie de ces vieillards qui attendent la mort comme une délivrance, on le sentait habité par une vie riche et pleine et un désir très fort de la poursuivre. Son sourire, la sérénité de ses traits, de ses rides presque inexistantes pour une personne de son âge, confortèrent Maya dans cette impression.

Pourtant la vue qui s’offrait à lui n’avait pas grand chose de réjouissant, rien que de longs Bâtiments gris, pas une once de végétation naturelle, juste quelques plantes ici ou là, décoration inespérée des balcons en béton.

Karim s’approcha de son grand-père et lui parla près de l’oreille d’une voix claire et caressante mais pas aussi forte que ce qu’elle aurait pu l’imaginer. Elle n’entendit pas distinctement les mots, les phrases, mais uniquement le chant léger de sa voix.

Maya ressentit un trouble, elle eut l’impression d’être de trop. Ces deux là étaient unis par une affection profonde et une complicité presque palpable. Admirative de cette peinture semblant sortie de l’atelier de Majorelle, Maya, plongea dans une rêverie aux couleurs orientales.

Elle contemplait de ses yeux larges et fixes le garçon qui se retourna.

- Maya ? apostropha-t-il. Je lui ai parlé de ta demande, il accepte… passe moi tes lettres.

- Oui, tout de suite, réagit Maya.

Elle chercha le courrier dans son sac à dos en tâchant d’être la plus rapide possible, ses gestes étaient saccadés, elle n’avaient plus la commande de ses membres.

- ça va ? demanda Karim, un peu inquiet.

- Si,si… ça va, c’est juste un peu de fatigue. Les voilà, tiens.

Elle lui tendit les lettres, les mains tremblantes.

Une  l’atmosphère troublante régnait. Maya douta une fois de plus à violer l’intimité d’Emma. Mais à cette heure, elle ne pouvait plus reculer. Les yeux mi-clos, elle souhaita s’exclure du lieu où elle se trouvait, désira s’extraire de la réalité qui l’avait ébranlée si durement ces derniers temps.

Karim remis les lettres à son grand père qui chaussa ses lunettes et les lut silencieusement. Le garçon le questionna à plusieurs reprise de son regard de braise, mais le vieillard ne broncha pas. Il resta figé sur le texte, les yeux humides.

Qu’y avait-il dans ces lettres qui puisse tant émouvoir son grand père ? Karim rompit le silence.

- Grand-père ! qu’est ce que tu as ? je ne l’ai jamais vu comme ça, se dit-il.

Mais le vieillard ne lui répondit pas. Il avait l’air ailleurs.

Il se retourna vers Maya qui semblait dormir debout. Il l’interpella.

- Maya ! Maya !

Maya, les yeux fermés, ne réagit pas le moins du monde.

Il s’avança dans sa direction, l’attrapa par les bras et la secoua énergiquement, en vain. Elle perdit connaissance.

Maya était en transe, son esprit vagabondait et s’était mêlé à celui du vieil homme.

Ils étaient sur une plage, face à la mer. Maya fut déconcertée par la force avec laquelle elle avait été attirée dans l’univers de l’homme. Il se tenait droit à ses côtés, géant efflanqué et  malgré tout donnant l’effet d’une grande solidité. Le ciel était lourd, prêt à éclater en orage et la chaleur moite était suffocante. Tous deux ne quittaient pas des yeux la ligne d’horizon et les bateaux éparses qui y cheminaient. Maya, embarrassée, ne trouvait pas la juste formule pour aborder le vieil homme. Elle se contenta de se laisser bercer au son du ressac des rouleaux se brisant sur le sable.

Il prit la parole le premier dans sa langue maternelle. Pourtant, Maya compris tout à fait chacun des mots prononcés, chacune des phrases formées.

- comment cela se peut-il ? se demanda-t-elle. Je suis capable de comprendre cette langue qui m’est étrangère ? Que se passe-t-il à l’intérieur de mon crâne ? je ne ressens aucune douleur, mais ma tête est si lourde !

- Maya, tu possèdes l’œil. Tu vois clair dans l’âme des humains. Dit le vieil homme.

- Je ne sais pas… C’est étrange…

Après un long silence, elle respira profondément, puis elle repris.

- Depuis quelque temps j’ai l’impression d’entrer  dans la pensée des personnes qui me touchent. Comme si mon esprit voyageait dans celui des autres sans aucune limite ni entrave… Dans ces moments je ressens une grande liberté que je ne contrôle absolument pas... Cela me terrifie parfois.

- Aie confiance, ce don peut t’aider à choisir le meilleur chemin qui s’offrira à toi. Mais prends garde cet état n’est sans doute que passager, sache l’utiliser avec prudence et à bon escient.

-  Oui, j’essaierai.

- Quant à tes lettres, ce sont des poèmes qui mettent en garde leur destinataire. Il n’y a rien de ce que tu pensais y trouver. Tout ce que je peux te dire c’est qu’ils semblent avoir été écrits par une grande poétesse, une femme au travail  admirable… Je l’ai rencontrée une fois, il y a très longtemps… C’est son style… Oui… je crois bien qu’il s’agit de Sihême.

- Pourriez-vous me les lire ?

- Mon petit-fils s’en chargera. Maintenant, je dois te laisser.

Il s’éloigna nonchalamment dans la brume de chaleur remontant du sable grillé par le soleil.

 

Maya reprit ses esprits. Elle était allongée sur le lit du grand père, la tête très douloureuse. Ses forces l’avaient abandonnée une fois de plus et elle avait beaucoup de mal à s’arracher d’une sorte de léthargie puissante. Karim se retournant, lui sourit et se précipita à ses côté.

- ça y est Grand-père ! elle a repris connaissance. Alors, Maya ! tu m’as fait une de ces frayeurs !

- C’est mrai ? elle avait des difficultés a articuler convenablement. Elle dut faire beaucoup d’efforts pour émerger.

- T’es tombée, brusquement, comme ça, dans les pommes. Je t’ai, tu m’en excuseras, giflée mais ça n’a rien donné. Alors grand-père t’as touché le front de sa main et il est resté ainsi un bon moment. Puis, tu as repris des couleurs et je t’ai installée sur le lit.

- Hum…

- Oui, grand-père a été guérisseur dans le temps. Je lui ai expliqué ton problème à la tête, et voilà… bon, j’ai ta traduction et figure-toi que ça ne va pas t’aider des masses car ce sont…

- Des poèmes, coupa-t-elle.

- Ben, ça alors ! comment tu sais ça ?

- Je t’expliquerai…

 On avait mis à sa disposition quelques merveilleuses pâtisseries préparées par la maman de Karim et un godet de thé. Maya reprit des forces en dégustant une corne de gazelle enrobée d’une épaisse couche de sucre glace et en se désaltérant de thé.  Le vieillard ne détourna pas une seule seconde son regard des carreaux de la fenêtre, même lorsque Maya, remise, vint le remercier et le saluer.

Elle prit congé de la fabuleuse famille de son ami, non sans un mot attentionné de chacun.

 

Karim la raccompagna jusqu’à l’arrêt de bus le plus proche.

- Je te remercie, Karim, de m’avoir permis de comprendre le message.

- C’est rien… nan, rien du tout… en plus ça a fait plaisir à mon grand-père, ça lui a rappelé sa jeunesse. Alors, tu vois, tout le monde est content, comme ça… Au fait, j’espère que tu ne t’es pas vexée qu’il te réponde pas. Je crois que ça l’a tourneboulé…

Le bus arriva et Maya s’y engouffra mais avant que les portes ne se referment, elle lança au garçon :

- Bientôt, je t’appellerai… tu viendras chez moi et je te présenterai à ma famille ! merci encore…

Le bus s’éloigna et Karim disparut peu à peu.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 12:49

Le capitaine Piole conduisit Maya silencieusement jusque chez lui. La scène avait dû l’interroger, le remuer lui aussi. Il semblait soucieux, son front s’était plissé et son regard noirci. Lorsqu’il rentra dans sa maison, il jeta avec nervosité son manteau sur le petit canapé rouge du hall. Pourtant, une fois installé dans son bureau il se voulu rassurant au près de la fillette, son visage se transforma, se lissa. Ses yeux s’agrandirent considérablement, ouvrant l’arc de ses sourcils qui l’instant d’avant se réunissaient en une barre sombre. Il pria Maya de s’asseoir et pris une pose décontractée, enfoncé dans son fauteuil confortable. Il s’efforça à minimiser l’attitude de Rose, sans doute pour tranquilliser la fillette.

- Ne soit pas trop inquiète pour Rose, elle va se calmer dans un moment.

Elle est un peu dérangée…. Mais… je ne t’apprends rien.. ah !ah ! s’esclaffa-t-il en se rejetant loin en arrière. Puis pivotant sur son siège, il s’adressa à Maya sur un ton confidentiel.

- Tu es une fille maligne, Maya… Mais tu n’as pas fait preuve de perspicacité lorsque tu m’as caché que tu étais un témoin important de l’agression de Monsieur Rénald. Tu aurais du m’en parler tout de suite… tu aurais pu aider la justice.

- Je ne savais pas… j’ai eu peur...  et puis, J’ai rien vu…

- Tu as peut-être entendu des choses ?

- Non… j’ai juste vu Monsieur Rénald blessé sur le sol et, de ses tueurs, j’ai vu leur casquettes pas leur visages.

- Tu pourrais m’en dire un peu plus à propos de leur taille, par exemple.

- Il y en avait un très grand et l’autre un peu plus petit et plus corpulent…

- Le plus fort, il avait un peu le gabarit de Monsieur Rénald ?

- Heu, oui… je crois…Le grand avait un bandage sur la main droite.

- Tu vois, ce que tu viens de me dire est très intéressant. Tu as d’autres petits détails comme celui-là peut-être ? cherchaient-ils quelque chose ?

- Oui, je me rappelle qu’ils ont fouillé Monsieur Rénald car il cherchait une petite médaille bleue… Ils ont dit qu’il y avait une étoile sur le médaillon.

- Ils l’ont trouvée ?

- Oui… c’est pour ça qu’il l’ont assassiné ?

- Oui, cela ne fait aucun doute… est ce que tu les as vu tuer Mr Rénald ?

- Oh non ! quand j’ai vu l’arme, j’ai fui…

- Et le portefeuille ?

- Le portefeuille… papa t’as dit…

- Oui, comment tu as fait pour le récupérer ?

- J’ai fait diversion et je me suis précipitée pour le ramasser. Et voilà, j’ai réussi.

- Il était dans la même pièce que Monsieur Rénald ?

- Oui…

- Tu n’as rien remarqué lorsque tu y étais ? Peut-être un détail précieux…

- Non…heu, oui… il n’y était plus…

- Quoi ?

- Monsieur Rénald. Il n’était plus là lorsque je suis entrée dans le bureau pour prendre le portefeuille.

- Bon, d’accord… Tu vois, tu aurais dû m’en parler avant, Maya… désormais, tu viendras me parler, promis ?

- Bien, Capitaine… Je voulais juste savoir quelque chose… c’est à propos d’Anatole…heu… Comment il va?

- Nous allons le relâcher. Anatole n’est pas notre homme, trop jeune. Il n’a que vingt et un ans…il ne peut pas avoir commis des crimes vieux de dix ans.

Maya poussa un soupir de soulagement, elle sentit le poids qu’elle avait sur le cœur s’envoler presque instantanément.

Le capitaine Piole la raccompagna à la porte au moment même où mamie rentrait du marché.

- Ah ! Maya, Tu tombes bien… Je ne t’ai pas oubliée. Dit-elle avec un brin d’espièglerie. C’est bientôt ton anniversaire ? je ne me trompe pas ?

- Non mamie.

- De toute façon je l’avais noté sur mon calendrier, alors… Ne bouge pas, je reviens… se ravisant. Rentre cinq minutes, allons.

Elle s’engouffra dans la maison, son panier à provision rempli de victuailles. Le capitaine fit mine de lui prendre des mains mais elle le rabroua rudement.

- Tu me prends pour une impotente ? Ta mère n’est pas encore sénile, ça je te le dis ! Non mais…

Elle continua a bougonner tout en se dirigeant vers la cuisine.

- Puisque tu n’as pas besoin de moi, je sors. Répliqua le capitaine Piole.

Et il fit ce qu’il avait dit, il partit.

Maya attendit dans le salon que mamie revienne. Tout en rangeant ses courses, elle continuait à marmonner toute seule. Enfin calmée, elle rejoignit la fillette.

- Ah ! treize ans ! c’est bien ça, je ne confonds pas ?

- Non mamie.

- Treize ans... chez nous, cela signifiait l’âge de raison… et la fête !... À l’époque on organisait un bal…Et quel bal ! Tout le village y participait, on fêtait l’année des treize ans de toutes filles et de tous les garçons du canton. Les filles devaient préparer une grande variété de pâtisseries et  les garçons avaient une épreuve de chasse. Ces compétitions n’étaient pas du tout faciles, car les filles passaient devant un jury qui goûtaient leurs gâteaux et les garçons devaient rentrer avec du gibier. Gare à ceux qui ne réussissaient pas leurs épreuves, car ils se faisaient moquer devant l’assemblée, hou la, la… mais à la fin de la journée les fillettes devenaient toutes des jeunes filles et pareil pour les garçons…Oui, ils devenaient tous des jeunes hommes… Oh ! mais je t’ennuie avec mes histoires vieilles femmes !

- Pas du tout mamie, tu sais bien que j’aime ça…

- Alors, pour te finir… C’est ce jour là que j’ai connu grand père. Il était beau avec son chapeau en feutre noir à bord large… Non j’arrête là, sinon demain on y sera encore… allez, zou…

Elle s’approcha du grand buffet et s’empara une petite boite.

- Tiens, c’est pour toi, Maya, tu es si gentille que tu le mérites bien.

Maya ouvrit la boîte et en ôta une chaîne en argent au bout de laquelle se balançait une médaille. Elle était ronde, sur le fond bleu ciel cerné d’argent se dessinait un ange argenté en relief.

Maya resta interdite, elle ne trouvait pas les mots car ce bijoux lui rappelait la description d’un certain médaillon.

- Elle te plait ? demanda la vieille dame, soucieuse de faire plaisir.

- Oui, beaucoup… Elle est très jolie… Merci, mamie ! tu me ravis. Elle l’embrassa chaleureusement.

- Bon, je te libère, dit mamie, un peu émue. Allez ouste, tu dois avoir des choses à faire… moi, je dois préparer mon repas.

- Mamie ! demain, je t’apporte un bout de mon gâteau d’anniversaire et tu me diras si je suis digne d’appartenir au rang des jeunes filles.

- Oui, oui. Allez, à demain. Je ne te raccompagne pas, tu connais le chemin.

 

Sur le retour, Maya pensa qu’elle tenait peut-être une piste avec le nom du bijoutier qui réalisait ce type de bijoux. Elle jeta un coup d’œil sur la propriété de Rose en passant et elle l’aperçut de dos en train de nourrir ses bêtes. Elle rentra rassurée chez elle.

 

Tout le reste de la matinée, Maya, s’activa dans la maison, un peu de rangement s’imposait après la longue soirée de la veille. Et puis, elle avait besoin de se remettre les idées en place. Le médaillon, la réaction de Rose devant les lettres, méritaient un peu de réflexion et il n’y avait qu’en bougeant que Maya pouvait cogiter.

Le salon étant impeccable, elle s’attaqua à la cuisine. La vaisselle débordait de l’évier, la poubelle était pleine à craquer, il y avait là, de quoi s’activer. Elle enfila les gans en caoutchouc et s’évertua à décaper, désincruster, lustrer la cuisine de fond en comble…tout en travaillant, l’idée de téléphoner à Karim pour réclamer son aide refit surface. Cela valait peut-être la peine d’essayer.

Elle chercha son numéro sur le bottin téléphonique, malheureusement on comptait près de deux pages de Bélouel. Maya fut, un brin découragée. Puis, elle se souvint qu’ils avaient fréquenté la même école maternelle, il suffisait de repérer les adresses des quartiers alentours cela permettrait d’exclure les autres.

Patiemment, elle procéda par élimination. Au bout du compte, il ne lui resta que six numéros possibles.

Elle composa le premier numéro sans succès, idem pour les trois suivants. A chaque nouvelle tentative son ventre se nouait davantage. Au bout de la cinquième, elle redouta encore une réponse négative. Cette fois, elle changea sa façon d’aborder son interlocuteur et se présenta tout de suite, comme si cela pouvait influencer de quelque façon que ce soit la réponse.

- Bonjour, dit-elle, je m’appelle Maya Poulain. Est-ce que je suis bien chez Karim Bélouel, s’il vous plaît ?

- Oui, c’est bien ça. Répondit une voix féminine.

- Est-ce que je pourrais lui parler, s’il vous plait. Le cœur de Maya Battait très fort.

- Oui, ne quittez pas, je vais le chercher.

Les quelques secondes qui passèrent lui semblèrent une éternité.

-       Allo.

Une voix roque et grave résonna dans le combiné du téléphone.

Maya ne reconnu pas celle de Karim, déçue ses forces l’abandonnèrent.

- Excusez-moi, dit-elle après un long silence employé à reprendre ses esprits. Je crois que j’ai fait erreur, je souhaitais parler à Karim Bélouel mais, il s’agit d’un enfant et…

- Oui, il est là, lâcha la grosse voix avec un accent d’agacement.

Il posa le téléphone et héla Karim. Maya entendit, des pas rapides accourir et dans le lointain la grosse voix rouspéter après la femme qui avait répondu. Maya trépignait d’impatience, « était-ce bien lui ? » Lorsqu’elle entendit sa voix, un vent de joie l’enveloppa douillettement. Son cœur s’emballa, elle eut subitement chaud, ses joues s’enflammèrent.

Maya tâcha de contenir son émotion, elle répondit avec le plus de sobriété possible.    

- C’est moi… c’est Maya… je t’appelle parce que… tu sais, c’est à propos de ce service dont je t’ai parlé…J’ai besoin de toi.

- On s’est tout dit je crois… répondit-il sèchement. J’aime pas les balances…

- Je suis désolée… c’est vrai je n’aurais pas du… mais tu ne sais rien de tout ce que j’ai enduré ces derniers temps ! Tu es très sévère avec moi… et finalement toi aussi tu t’arrêtes aux apparences…

Il y eut un long silence pesant.

- Je t’en prie ! c’est une question de vie ou de mort. Laisse moi t’expliquer… s’il te plait, supplia Maya.

- C’est bon… je t’écoute.

Maya raconta tout le déroulement de son extraordinaire aventure, elle ne lui épargna aucun détail. Karim comprit enfin pourquoi elle avait tant paniqué l’autre soir à l’hôpital. Dès lors, il comprit son geste.

- D’accord., tu n’as qu’à venir cet après-midi… à tout à l’heure.

 

Le repas, un rôtis aux pommes dauphines, préparé par Monsieur Poulain fut expédié en un rien de temps. Robin proposa à Maya de la conduire car il avait un rendez-vous non loin de l’endroit où elle se rendait, ce qu’elle accepta avec joie.

 

 

Partager cet article
Repost0
10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 12:46

Le ciel d’un bleu profond illuminait la ville. Le soleil se leva et la blancheur des paysages la veille passa le relais aux couleurs vives. La neige s’était volatilisée, fondue à la chaleur de l’astre de feu.

Maya se réveilla en douceur, un rayon lumineux lui chatouilla la joue. On était dimanche et habituellement,  papa se faisait un plaisir de ramener des croissants pour le petit déjeuner.

Elle descendit à la cuisine ramenant sur son dos, comme la traîne d’une princesse, sa couette encore chaude. En arrivant une odeur suave de café et de viennoiserie lui picota les narines. Son père attablé, sa tasse fumant encore, dégustait un croissant doré et croustillant en lisant le journal. La fillette le salua et le contourna pour aller s’asseoir à sa place habituelle, face à lui.

- Ton chocolat est prêt, mon ange. Il lui passa un thermos qui renfermait la boisson chaude.

- Joaquim dort toujours ?

- Non, il est parti tôt ce matin… il m’a chargé de t’embrasser et de te remettre… il posa son journal et se leva pour aller chercher un petit paquet rangé sur le buffet.

Maya, les yeux encore bouffis de sommeil, plongea sa main dans le plat contenant les croissants appétissants, sans lâcher la couette qui l’enveloppait. Au moment même où elle attaqua la pâtisserie, son regard s’arrêta sur la photographie en première page du journal.

- Mais c’est moi ! s’exclama-t-elle. Papa ! tu as vu ? ah, il ne m’a pas ratée… regarde, non mais quel !… j’ai pas voulu papa. Je te le jure… MAYA POULAIN, mon nom est écrit en gros… qu’est ce qu’il raconte ce voleur de photo ? Maya Poulain qui a découvert la cache du Monstre nous a accordé une interview exclusive… Oh ! non. Quel sale menteur ! jamais je ne lui ai parlé à ce…

- Calme-toi Maya, après tout, c’est bien ce que tu as fait. Tu as réussi à démasquer le Monstre.

- Mais je crois que je me suis trompée. En le voyant j’ai cru que… Tu sais… il ne nous avait rien fait.

- Ma chérie, tu apprendras avec le temps qu’il existe des personnes qui peuvent être imprévisibles. S’il est malade, il peut paraître inoffensif à un moment et se révéler incroyablement violent et impitoyable à un autre moment. N’y pense plus. S’il est vraiment innocent, s’il n’est pas le monstre que la police recherche depuis tant d’années, il sera relâché… Tiens ouvre le cadeau de Joaquim… je crois que ça va te plaire.

Soucieux de passer à autre chose, il lui tendit le paquet enveloppé d’un papier cadeau aux motifs de Noël. Il la débarrassa du journal qu’il dissimula sous une pile de vieux magazines.

Maya pensive, observait son cadeau et le retournait entre ses mains semblant ne pas savoir par quel bout le prendre. Monsieur Poulain, la pressa un peu.

- Allez, Maya, ouvre le… c’est pour tes treize ans.

Il admirait sa fille. Ses cheveux blonds bouclés, ses grands yeux bleus et sa carapace de molleton qui traînait sur le sol loin derrière elle, lui conférait un air majestueux.

- demain, c’est mon anniversaire… observa-t-elle un peu tristement.

- Allez, il va fondre si tu continues à le tripoter comme ça dans tes mains !

Maya déchira vigoureusement l’emballage et ouvrit le paquet. Elle découvrit l’objet et un petit mot de Joaquim.

- Oh ! s’exclama-t-elle. Une lampe frontale ! 

Elle la sortit de son emballage et après un petit réglage se la posa sur la tête.

- Tu m’éblouis ! s’exclama son père qui jouait au papa renfrogné et jaloux.

- Vous êtes en état d’arrestation, Monsieur Poulain, pas un geste, restez où vous êtes… Commanda la fillette armée d’un croissant. Elle est superbe ! tu as vu ça papa ! elle est puissante hein !

- Pour ça oui !

Maya s’empara du petit mot de son frère et le lit à haute voix.

- Que cette lampe illumine ton chemin aussi loin que tu le souhaites… en plus elle est encore plus belle que celle de Robin… mais chut… ne lui dis pas car il serait jaloux et il risquerait de te la chiper… Je t’embrasse, petite sœur, joyeux anniversaire. Ton frère dévoué, Joaquim. Ps : n’hésite pas à me téléphoner si tu penses avoir un problème.

 - Alors ça te plait ?

- Quelle question ! Bien sûr qu’elle me plait cette lampe ! je vais la ranger dans mon sac, comme ça je l’aurai toujours avec moi.

  Maya prit son petit déjeuner toute joyeuse. Elle ingurgita goulûment sa boisson chocolatée et deux énormes croissants.

Monsieur Poulain fut satisfait de sa réaction, elle n’aborda plus l’affaire du journal. Il pensa qu’elle l’avait oublié pour l’instant. Le cadeau de Joaquim avait été une admirable diversion.

 

Un peu plus tard dans la matinée. Maya se prépara pour aller visiter Rose sa voisine. Elle vérifia que son sac contenait bien les lettres. Rassurée, elle y rajouta sa lampe qui désormais ne la quitterait plus au même titre que son collier de coquillage. Elle n’oublia pas le thermos qu’elle avait rempli de thé à la bergamote tout spécialement pour Rose.

  Le soleil brillait et le temps s’était infiniment radouci, aussi elle ne revêtit que son pull crème. L’air était vif et à chaque expiration, un petit nuage de buée s’échappait de la bouche de Maya. Les rues étaient déserte, aucun bruit ne venait perturber la tranquillité du quartier, mise à part, de temps à autre le ronron fugace d’une automobile.

Maya était tout excitée lorsqu’elle approcha du petit portail bancale qui séparait la rue du monde de Rose. Bientôt, elle aurait des informations qui lui permettraient de comprendre pourquoi à cette heure, Emma était dans le coma.

Elle ouvrit le portillon et aussitôt les trois chiens de la maisonnée se ruèrent vers elle pour lui faire la fête. Ils se faisaient pressants, la léchaient, la bousculaient de leurs pattes avant, attendaient impatiemment la récompense avant de relâcher leur prisonnière. Ils la connaissaient bien et savaient que Maya avait toujours pour eux une petite friandise dans ses poches. Ce matin-là, perturbée elle n’y avait pas pensé. En fouillant bien, elle récupéra dans son pantalon un vieux biscuit oublié, aussitôt elle le partagea en trois et dispersa les morceaux loin d’elle pour se libérer des effusions canines et enfin avancer vers la cabane.

Rose l’accueillit avec son sourire édenté et son visage tout ridé, tout froissé comme une vieille pomme fripée abandonnée dans un plat. Ses cheveux étaient cachés sous un foulard râpé par les années. Ce petit bout femme si maigre, si minuscule semblait fragile à tel point, qu’on aurait pu la bousculer d’un souffle. Elle portait une blouse sombre en guise de robe et un gilet bleu roi aux mailles larges qui la protégeait peu de la rudesse des températures.

 -  Bonjour, Rose. Je t’ai  emmené du thé à la bergamote, dit Maya en entrant.

La maison de Rose, aussi délabrée à l’intérieur qu’à l’extérieur, recelait de recoins pris d’assaut par un lot de vieilleries repoussantes. Meubles ou objets en fin de vie recouvraient une utilité chez Rose.

Maya n’attendit as son invitation pour s’asseoir car elle la savait très peu bavarde. Elle tira une chaise bancale face à la minuscule table encombrée de papiers gras, de vaisselle sale et de restes alimentaires.

Pendant ce temps, Rose allait et venait en trottinant à la recherche de deux verres à peu près propre. De dos on aurait dit une fillette maladroite sur ses jambes frêles. Elle dégota deux tasses ébréchées à l’aspect convenable et les posa sur la table. Puis, elle s’installa face à la fillette qui servit le thé.

- Tu as besoin de quelque chose, Rose ? tu as assez de fioul pour ton chauffage ?

- Oui. Répondit-elle en souriant. Elle souriait tout le temps…

- Et des pommes de terre, il t’en reste ?

- Ça va, j’en ai encore un peu… Tu es bien bonne avec moi Maya… Tu penses aux vieilles personnes…Tu es généreuse, ma fille.

Maya rougit, elle n’aimait pas trop les compliments, même s’ils lui allaient droit au cœur. Pendant un laps de temps, elles gardèrent le silence. Rose contempla l’enfant de ses yeux vifs et pointus en arborant toujours le même sourire. Elles consommèrent la boisson chaude, à petites gorgées, pour en apprécier davantage le parfum. Finalement Maya se décida à prendre la parole.

- Rose, j’ai un service à te demander…

- Tout ce que tu veux ma fille…

- J’ai deux lettres que j’ai trouvées dans les affaires d’Emma. Tu sais ce qui lui est arrivé ?

- Oh !oui, la malheureuse !

- Ces lettres sont écrites, je crois, en langue arabe… Est ce que tu peux me les traduire ?

- Fais voir.

Maya sortit les lettres de son sac et les déposa devant la vieille dame. Dès qu’elle les entrevit, Rose s’assombrit. Elle les repoussa d’un geste brusque et se leva d’un  seul coup, trop rapidement sans doute car elle tituba quelques secondes. Elle se précipita vers le tiroir d’un buffet en formica, en sortit une clé et ouvrit la porte du meuble. Elle s’inclina pour en examiner l’intérieur, marmonna quelque chose et referma la porte. Puis, elle continua son va et viens dans la maison, ignorant Maya et agitant sans cesse sa tête de gauche à droite.

- Non, non, non… balbutia-t-elle.

Devant un tel spectacle, Maya resta perplexe. Elle se leva pour prendre congé et, maladroitement elle fit tomber les lettres au sol, à ce moment précis le Capitaine Piole entra. Il ramassa les lettres, à ses pieds, et les tendit à Maya.

- Ton père m’a dit que je te trouverai ici… tiens. Il faut qu’on parle.

Rose était parti se réfugier dans le coin le plus accessible de la maison et tâchait de se dissimuler désespérément derrière un bout de tissus accroché au mur. Ses yeux trahissaient l’angoisse.

Après avoir, glissé les lettres dans son sac, Maya tenta de rassurer Rose. Elle ne l’avait jamais vue dans un tel état, qu’y avait-il sur ces lettres qui puisse autant l’effrayer.

- Je dois te laisser Rose, je pars avec le capitaine, mais je repasse bientôt, je te le promets.

Maya quitta la vieille Rose le ventre noué.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
10 mars 2010 3 10 /03 /mars /2010 12:42

Joaquim se trouvait à la réception, il achevait de remplir toute la paperasserie nécessaire à la sortie de Maya. Il aperçut sa sœur s’acheminer comme frappée de somnambulisme, de fait, il se dépêcha d’en finir avec l’administration.

-Viens par là, mon héroïne préférée, lui susurra-t-il tout doucement en la prenant par l’épaule. Ça n’a pas l’air d’aller fort.

Elle lui sourit gentiment et laissa aller sa tête trop lourde sur le bras confortable de son frère.

- Voilà, il n’y a plus rien à signer ? demanda-t-il à l’employée.

- Non, tout est en règle. Au revoir, Monsieur Poulain.

 

Une fois installée dans la voiture, Maya raconta à Joaquim tout ce qui s’était passé pendant son séjour à l’hôpital. Tout d’abord l’expérimentation avec la fillette, Laura, puis sa rencontre avec Karim, la découverte du MONSTRE et enfin les limbes glaciales de l’esprit d’Emma.

- Au sujet du Monstre, j’étais au courant, le capitaine Piole est venu tout expliquer à papa, cet après-midi… il faut que je te dise… Papa lui a parlé de ce qui s’est passé chez ta copine.

- Chez Emma ? il a dit que j’étais chez elle pendant qu’on tuait…

- Oui, il est complètement paniqué depuis. Tu connais papa… Il voit des types à casquette à tous les coins de rue. Il a peur, très peur pour toi, ma puce.  Alors, il a pensé qu’il valait mieux l’avouer au capitaine. Après tout, c’est un homme de confiance, il lui a promis de n’en parler à personne. Il va juste te poser quelques questions et c’est tout, tu verras, ça ne sera pas bien méchant. Ensuite, il propose de surveiller un peu les alentours de la maison pour que vous ne soyez pas inquiétés toi et papa.

-  Mais, on a toi.

- Non, moi je repart demain. Je ne peux pas rester plus… tu as toujours le numéro que je t’ai donné l’autre jour ? garde-le précieusement, si vous avez besoin de main forte, j’arrive illico presto, d’accord ?

- Oh ! Joaquim ! Pourquoi tu restes pas encore un peu ! S’écria-t-elle, puis elle éclata en sanglot.

C’était trop lourd à porter,  tous ces évènements depuis l’accident d’Emma. Maya se sentais responsable. Responsable la mort de son père, responsable l’arrestation d’Anatole, sans doute innocent comme le pensait Karim.

-  Eh ! Petite sœur ! chuchota Joaquim avec douceur. Pleure pas, allez… Ça va s’arranger… Il lui tendit un mouchoir. Sèche tes larmes. Puis il ajouta, je t’ai connue plus courageuse. Tu te souviens du vieil âne que Rose avait recueilli, c’est toi qui l’a sauvé de la boucherie et cet enfant qui s’était égaré que tu as ramené à ses parents morts d’angoisse. Rappelle-toi leur joie !

- oui, mais ça ne change rien. J’ai peur de pas y arriver.

- Arriver à quoi ?

-  À sauver mon amie… À retrouver sa maman.

- Tu penses vraiment que c’est la volonté d’Emma ?

- Oui.

- Que dit le professeur à propos de tes visions ?

- Il dit que ce sont des hallucinations dues à mon bleu qui a grossi… il pense que je transforme les informations que je reçois et que je change leur ordre dans ma tête… mais moi, je suis convaincue que non. Toutes ces images ont un sens…

 

Leur conversation ne se prolongea pas plus car ils étaient arrivés à destination. Maya fut ravie de retrouver son foyer et sa chambre. Monsieur Poulain lui avait concocté un petit dîner réconfortant. De bons spaghetti servis avec une sauce tomates onctueuse. C’était là sa spécialité.

Dans la  cuisine, autour de la table,  on entendait le cliquetis des fourchettes sur la faïence, le gargouillis des ventres, et la mastication enjouée des Poulain. Même le chat, Fripon s’adonnait au repas avec joie. Il attaquait gaiement les croquettes qui débordaient de sa mangeoire.

Soudain on claqua aux carreaux. Joaquim se leva en trombe, ouvrit la fenêtre et sortit sa tête à l’extérieur. Il n’eut pas le temps de voir arriver sur lui une boule de neige énorme. Il la prit en pleine face. De gros flocons dégringolaient du ciel et personne dans la maison n’avait rien remarqué. Un beau tapis blanc recouvrait le jardin.

- ça c’est un coup de mon frère Robin ! s’écria-t-il en sautant par la fenêtre comme un athlète.

Maya s’élança derrière lui mais elle dut grimper sur un chaise pour enjamber le rebord. Au moment même où elle atteignit le sol une rafale de boules de neige s’abattit sur elle. Elle riposta de toutes ses forces mais ses deux frères étaient bien trop agiles.

- C’est pas du jeu ! grogna-t-elle.

- Ah ! ah ! tu en veux encore, demanda Robin sans la moindre pitié.

- Non, non… je t’en prie !

Maya jouait la comédie et attendait le moment propice pour lancer sa contre attaque. Et vlan, Robin disparut sous une avalanche de neige, car Joaquim vint à la rescousse de sa petite sœur.

Dans ce genre d’attaque on ne conserve jamais les mêmes alliés, ce serait trop simple et moins rigolo. Aussi lorsque Maya pensa que Joaquim lui était tout dévouée, elle baissa la garde de son côté. Quelle erreur ! car celui-ci très proche d’elle, à présent, l’attrapa et la fit rouler dans la neige moelleuse. A cet instant, arriva Robin qui changea de camp et pris la défense de la fillette en bombardant son frère d’une tripotée de boules de neige particulièrement efficaces. La bataille se termina au beau milieu du jardin. Ils y formèrent un tas, de bras et de jambes enchevêtrés et saupoudré du sucre glacé qui tombait du ciel.

Le rire de ses enfants récompensa Monsieur Poulain. Il était doux à ses oreilles comme le chant des sirènes.

-Ah ! mes enfants qu’il est bon d’entendre le rire dans vos gorges par ces temps si difficiles ! entrez vous sécher, je vais attiser le feu… Robin, viens là mon fils que je te serre dans mes bras. Nous avons beaucoup de choses à te raconter.

Monsieur Poulain, ému par ce beau spectacle de vie et d’amour, réfréna une larme de joie. Il y avait bien longtemps qu’ils ne s’étaient pas tous retrouvés ainsi, avec ce bonheur.

Robin avait été absent depuis plusieurs jours et ne connaissait pas la situation dans laquelle se trouvait son père, et sa sœur.

Après s’être tous changés, séché, et réchauffés, ils se réunirent sur le tapis du salon devant l’âtre. Chacun à tour de rôle pris la parole pour expliquer le mieux possible les déboires de la famille. Mais quelques fois le brouhaha des voix entremêlées et empressées couvraient l’essentiel du discours.

- Un seul à la fois, je ne comprends rien à ce que vous dites ! trancha Robin. Alors, pour résumer, Monsieur Rénald a menacé papa de le licencier, ensuite le Monstre l’a assassiné et s’est vengé sur Emma. C’est ça ?

- Non ! s’écrièrent les trois autres de concert.

- C’est pas ça du tout ! déplora Maya. Bon, laissez-moi lui expliquer. Tout

d’abord il y a eu l’accident d’Emma et puis le licenciement de papa et…

Maya relata les faits avec le maximum de détails, sans omettre la participation des hommes à la casquettes qui courraient toujours et qui représentait un danger pour la famille. Elle lui expliqua comment elle avait cru découvrir le MONSTRE en la personne d’Anatole et combien elle regretta d’avoir cédé à la panique. Elle leur confia sa peur mais aussi son désir d’aider sa meilleure amie à sortir du coma.

Robin écouta sa sœur attentivement, il but littéralement ses paroles jusqu’à la dernière. Longtemps ils se regardèrent l’air abattu. Puis, Robin prit la parole.

- Tout ce que tu viens de me raconter, m’amène à penser que notre famille est indirectement liée à cette histoire. Il faudrait trouver ce qui nous associe à cette cascade de violences et…

- Justement, coupa Maya, pour percer ce mystère il faut comprendre les indices que me donne régulièrement Emma. Et la première chose à élucider ce sont ces lettres.

Maya sortit de son sac les lettres écrites en arabes, selon elle. Elle les déposa sur le tapis au beau milieu du cercle qu’ils avaient formé autour d’elle.

- J’ai la conviction que ces écrits renferment le secret qui pourrait nous faire avancer dans notre quête. J’ai trouvé le moyen de nous les faire traduire, mais…

- Mais… intervint, Robin.

- Mais le garçon à qui je devais demander ce service est celui qui s’est fâché lorsque j’ai dénoncé Anatole. Il s’agit de Karim… je connais son nom et je peux retrouver son adresse, mais j’ai peur qu’il me rejette…

- Explique-lui ce qui s’est passé, Intervint Monsieur Poulain, je suis certain qu’il comprendra.

- Sinon tu peux demander à Rose, proposa Joaquim. Je sais qu’elle a des origines maghrébines.

- Oh, mais oui ! comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ! s’emporta Maya. demain je lui rendrai visite.

- Petite sœur, je veux que tu sois prudente. Ne parle à personne d’autre de ces lettres, recommanda Joaquim. C’est notre secret à nous quatre maintenant. Tu sais que demain je dois repartir à la caserne, mais je souhaite que tu me tiennes au courant de tes recherches et surtout que tu ne prennes aucun risque. Robin tu es là pour combien de temps ?

- A peine deux jours car avec mon association on va inspecter les catacombes de la ville. Je peux pas me défiler, on a monté ce projet il y a trois mois et ils tous comptent sur moi pour ouvrir la marche. Hé ! hé ! hé ! vous avez devant vous un spéléologue reconnu ! dit-il en bombant le torse.

Cette pose théâtrale détendit l’atmosphère un instant.

-  Il paraît qu’on fait de drôle de découvertes là dessous, continua Robin en mimant le mystère. On m’a raconté qu’il y a toute une faune qui mène une vie de folie sous nos pieds ! Enfin, redevenant sérieux, je vous dirai ça… ça devrait prendre deux bonnes journées si on veut inspecter tous les recoins.

- Ce n’est pas dangereux au moins ? s’inquiéta Maya.

- Faut pas t’inquiéter pour moi ! regarde mes beaux muscles. Fit-il en arborant son beau torse et ses bras musclés. Et je ne suis pas tout seul… on est quinze.

- Pendant que Robin sera dans les égouts, papa et toi vous resterez tranquillement à la maison. Il est peut-être plus prudent que tu n’ailles pas en cours cette semaine. Tu en penses quoi papa ?

- j’en pense que mes fils ont bien grandi et qu’il sont devenus des hommes… je prendrai soin de notre petite perle. Répondit Monsieur Poulain en enlaçant la fillette. Il l’embrassa sur le front et lui murmura à l’oreille qu’il était temps d’aller au lit.

Après avoir souhaité une bonne à nuit à tout la famille, Maya monta dans sa chambre. Les trois hommes continuèrent à bavarder un moment, puis Robin faussa compagnie aux autres.

Qu’il était bon de retrouver son lit douillet et sa couette moelleuse ! pensa Maya fourbu de sa nuit précédente et de la longue discussion familiale. Soudain un cri vint rompre le calme serein de sa chambre.

- Quelqu’un est entré dans ma grotte ! Hurla Robin. On a déplacé ma lampe frontale… quel est ce malotru ?...  Je sais que c’est toi Maya !

Maya frissonna sous l’édredon l’espace d’une seconde, elle connaissait le caractère inflexible de Robin concernant ses affaires, mais déjà le rire généreux de son frère résonna à ses oreilles.

- Bonne nuit, Maya ! lança-t-il.

- Bonne nuit…

Et elle s’endormit sans demander son reste.

 

 

Partager cet article
Repost0